Wobbler - Dwellers Of The Deep

Sorti le: 23/10/2020

Par CHFAB

Label: Karisma Records

Site: https://wobbler.bandcamp.com

Retour triomphant des Norvégiens de Wobbler, valeur sûre d’un prog scandinave à l’ancienne, qui, malgré une première transfiguration avec deux nouveaux albums assez consensuels, rompant assez clairement avec les tensions bouillonnantes des débuts, le premier lorgnant assez exagérément vers un Yes très sage (Rites At Dawn, 2011) et le très populaire et non moins facile d’accès bien que plus ambitieux From Silence To Somewhere (2017), avait mis quasi tout le monde d’accord, récoltant un plébiscite sans cesse accru. Les mânes du succès poussèrent davantage le groupe vers la scène, où il s’est avéré absolument brillant, les nouveaux guitariste et chanteur, Marius Halleland (aussi aux choeurs) et Andreas Prestmo maintenant profondément intégrés au noyau originel, ont démontré largement leurs talents respectifs, insufflant une énergie et une âme véritables à leurs nouvelles compositions, remportant pour la France un énorme succès mérité au Crescendo 2015.

Dwellers Of The Deep (habitants des profondeurs), cinquième opus du quintette, a mis moins de temps à succéder à son devancier, sans pourtant démériter, loin s’en faut, faisant même passer son précédent pour une aimable carte postale! Voici enfin l’album qui réussit pleinement à combiner accessibilité et sophistication, esprit folk, néo prog et ambition musicale, à savoir des digressions nombreuses, parsemées de joutes instrumentales de toute beauté, sans pourtant perdre l’essence du format chanson ni une lisibilité de chaque instant, bref, un miracle d’équilibre. Les claviers ont retrouvé toute la place qui leur était réservée dans le Wobbler d’origine (Hinterland, 2005, et Afterglow, 2009), ouvrant d’ailleurs les débats avec un orgue Hammond virevoltant, rappelant les maîtres de l’âge d’or que nous ne vous ferons pas l’injure de citer… Magnifique.

Quatre pièces composent le disque, comme pour l’opus précédent, proposant un morceau avoisinant les vingt minutes en conclusion, dont on évoquera le brio plus loin. En guise de mise en appétit, les Norvégiens avaient publié en vidéo l’excellentissime et rythmé « Five Rooms », annonçant la couleur d’un groupe rompu à la scène, pour un prog épique, échevelé, aux enluminures instrumentales innombrables, sans jamais perdre le fil mélodique, ni tomber dans la facilité. Brillant. Et le reste est à l’avenant. Le morceau d’ouverture ouvre large les portes de cette musique scandinave, conjuguant entrelacs frénétiques et grandes envolées sur des paysages baignés de nature, sauvage, émotionnelle, parfois trouble. Un festival de sons offerts par Lars Fredrik Froislie aux claviers avec Hammond, Moog et Mellotron bien sûr, des geysers de guitare psyché, des coups de boutoir à la basse Rickenbacker si chère à Chris Squire (pour ceux qui ne le savaient pas encore), enfin une batterie très précise, en osmose totale avec la musique et ses ruptures. Un absolu régal, tant les compositions brillent d’invention, et de clins d’oeil; Yes, pour ce chant haut perché, évoquant d’ailleurs davantage Peter Nichols, ses choeurs litaniques, Gentle Giant pour ses jeux d’eau instrumentaux tout en retenue, King Crimson pour ses ambiances classiques, comme pour le troisième et superbe morceau, à la guitare acoustique, et le graal ultime de cet album et ses atmosphères mystiques et inquiétantes, le si bien nommé « Merry Macabre » , probablement le meilleur morceau du groupe depuis ses débuts. A lui tout seul, il rend cet album indispensable. On y retrouve la froideur tendue et les ambiances de film d’horreur des années 70, Goblin, Anglagard, King Crimson… De bout en bout c’est passionnant, et l’on en vient à se dire que Wobbler a atteint ici sa pleine maturité.

Sans la moindre hésitation Dwellers Of The Deep figurera au sommet des recommandations de cette année 2020 tant il éclate de mille feux, s’étant enfin débarrassé de ses facilités, ne se suffisant plus à être de la copie, et cherchant véritablement à se surprendre à travers le vocabulaire de l’âge d’or du progressif 70s, faisant de cet album tout simplement l’un des tous meilleurs. Son chef d’œuvre, indiscutablement.