Anathema - We're Here Because We're Here

Sorti le: 31/05/2010

Par Jérôme Walczak

Label: Kscope

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Contemplée avec un peu de hauteur, la carrière des Britanniques a tout de la fresque élisabéthaine : riche en rebondissements, parfois houleuse, voire inquiétante comme il y a quelques années, lorsque les changements de maison de disques avaient laissé planer quelques incertitudes sur la destinée du groupe.

Cette fébrilité toute relative fut contrariée en 2008 avec la parution chaleureusement accueillie d’Hindsight, un album feutré, composé de relectures acoustiques de titres piochés dans leur vaste répertoire, qui a su mettre l’eau à la bouche et contenter leurs fervents admirateurs. Sur ce dernier s’épanouissait l’orientation atmosphérique empruntée depuis Eternity en 1996, reléguant les origines doom et metal qui purent, en leur temps, rebuter un public peu familier de ces styles plus sombres.

Il aura fallu attendre sept longues années pour donner un successeur à A Natural Disaster, pour lequel les mânes de Pink Floyd avaient été invoqués, et qui aux yeux de la presse spécialisée fut le véritable « acte de conversion » d’Anathema à ces sonorités désormais caractéristiques, tout en nostalgie, pas si éloignées des univers de Radiohead, ou des ambiances plus calmes et éthérées de Sigur Rós, mais toujours extrêmement pesées et professionnelles.

We’re Here Because We’re Here confirme ainsi ces différents essais et les magnifie, sans laisser de surprendre.  Lee Douglas, soeur du batteur John et désormais membre à part entière du groupe, appuie cette touche onirique en secondant agréablement Vincent au chant. La fratrie Cavanagh peut aussi compter sur Les Smith, qui enrobe l’ensemble de claviers tantôt vaporeux, tantôt vifs, notamment sur « Everything ».

La collaboration entre Steven Wilson et le groupe de Liverpool est aussi respectueuse que constructive. Le son si caractéristique du leader de Porcupine Tree ne se révèle jamais démesurément envahissant, mais reste aisément identifiable sur quelques morceaux, à l’instar de « Get Off, Get Out », complainte morne et psychédélique au refrain sombre qui présente quelques airs de famille avec le titre « Fear of a Blank Planet ».

La force de ce nouvel album, c’est son originalité mélodique. Pas un seul morceau ne ressemble à un autre, chacun possède sa propre identité. Et pourtant, une ligne rouge diaphane soutient cette œuvre dense et riche de bout en bout. Les bonnes idées caracolent entre des développements progressifs épiques, presque pompeux au sens noble du terme (« Thin Air », « Everything »), et d’intenses moments de défoulement salutaire (« Summernight Horizon », « A Simple Mistake », ou même « Universal », une complainte se développant progressivement à la manière d’un boléro, jusqu’à un final magistral).

Simple, accessible, sans violence, We’re Here Because We’re Here est sans conteste l’un des meilleurs albums d’Anathema. L’empreinte des seventies, dans le traitement des chœurs par exemple, s’y mêle à un son rock moderne et lumineux, tout comme la pochette. Voilà une grande, belle et authentique réussite.