The Gathering - Home

Sorti le: 10/03/2006

Par Djul

Label: Psychonaut

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Alors que The Gathering a monopolisé l’attention avec de nombreuses sorties en un an et demi (DVD, album semi acoustique, double album d’inédits, réédition de Mandylion!), on en oublierait presque que trois ans se sont écoulés depuis la dernière moisson de nouvelles compositions du groupe néerlandais. Trois ans pour accoucher de Home (et d’un petit Finn, pour la chanteuse Anneke!). Et quel album difficile à appréhender nous ont-ils livré… .

On avait quitté le groupe avec Souvenirs, premier essai sur leur propre label, un symbole pour un groupe qui sait se remettre en cause. Car par deux fois, The Gathering aurait pu sombrer dans la facilité. Après Nightime Birds (1997), il aurait pu continuer à égrener les morceaux gothiques metal de bon aloi, mais a préféré se remettre en question avec un double album complexe et moderne, l’immense How To Measure A Planet? (1998). Après If Then Else (2000), il aurait pu continuer chez Century Media et proposer une pop metal efficace, mais a fondé sa maison de disques pour réaliser Souvenirs (2003), un disque aux sonorités électroniques et bigarrées. Un cheminement sans concession pour une formation qui aurait pu céder si aisément à la tentation de capitaliser sur la voix tout simplement sans égale d’Anneke Van Giersbergen. Un cheminement qui aboutit au bien nommé… Home, encore un symbole!

C’est une certitude, ce nouveau disque mérite plus d’une écoute avant d’être appréhendé correctement. Car il sème le trouble à force de multiplier de manière contradictoire les références au passé et les audaces nouvelles. En réalité, la clé est donnée par la même Anneke, dans une interview à paraître dans nos pages: cet album est tout simplement coupé en deux, à peu près au niveau de « Forgotten ». Ainsi, la première partie est un vrai « retour vers le futur ». Enchaînant les morceaux axés sur la guitare de René Rutten, foncièrement rock, et avec un chant plus poussé qu’à l’accoutumé, l’auditeur risque de voir en Home un successeur post moderne de Nightime Birds (relents new wave sur « Shortest Day », riffs épais et chant mélodramatique de « A Noise Severe »). « Waking Hour », un des grands moments du disque, est une belle illustration de la facilité des Néerlandais à passer du refrain épique (qui n’aurait pas dépareillé sur Mandylion) aux ambiances intimistes piano/voix. Néanmoins, en contrepoint à ces compositions ancrées dans un glorieux passé, la production souvent aventureuse d’Attie Bauw met en perspective les morceaux, en enlevant les sonorités de six cordes les plus typées metal, au profit de touches électroniques bien plus hype. « Alone », single assez direct, se voit ainsi paré d’une couche non négligeable d’effets qui lui enlève son aspect convenu.

La seconde partie voit The Gathering défricher les terres du post rock ou du trip hop (« Box »), des formes d’expression musicale assez nouvelles pour le groupe, mais pas éloignées de sa tendance naturelle à l’éthéré. Ainsi « Forgotten » et surtout sa reprise finale sonnent comme un hommage aux précurseurs du genre, les géniaux Talk Talk, période Spirit of Eden: voix murmurées, mélodies en échos et ambiance minimaliste. Frank Boeijen n’y est sans doute pas pour rien, lui qui, avec ses claviers, apporte tant au son du groupe. Des atmosphères qu’on retrouve sur « The Quiet One », bande originale de film évocatrice et entièrement instrumentale (avec des vocalises de Anneke) ou le doux-amer « Home ».

Au final, on ne peut revenir qu’à notre premier constat: un disque difficile à juger… . On pourrait dire que le groupe a composé deux mini-albums sans réel lien commun, le reproche d’une certaine hésitation dans la ligne artistique à suivre n’étant alors pas loin. On pourrait aussi penser, et c’est notre cas, que Home n’est ni plus ni moins que la synthèse d’une décennie d’exploration musicale et que le fait d’avoir rassembler chaque facette séparément permet de mieux apprécier chacune d’elle, même si la démarche est franchement déstabilisante. Une chose est certaine, la qualité continue de l’album est indéniable, avec une ambiance générale sombre, comme rarement concoctée par The Gathering, un quintet décidemment loin d’emprunter l’autoroute de la facilité.