IQ
21/09/2024
Le Café de la danse - Paris
Par Jean-Philippe Haas
Photos : Christian Arnaud
Site du groupe : https://www.iq-hq.co.uk/
Setlist :
Setlist : From the Outside In - Subterranea - Stay Down - No Dominion - Harvest of Souls - No Love Lost - Shallow Bay - Far From Here – Rise - Guiding Light - The Road of Bones - Headlong Rappels : Frequency, Ten Million Demons, The Last Human Gateway (Middle Section)Vingt-deux ans qu’IQ n’était pas revenu dans la capitale française ! Ceux qui avaient assisté au concert à la Maroquinerie en 2002 (une poignée de ces vétérans est présente ce soir !) ont dû goûter leur plaisir avec une setlist radicalement différente. Il faut dire qu’entre-temps les Britanniques ont sorti quelques albums mémorables, à commencer par Dark Matter en 2004. Et malgré une flopée de rééditions ces dernières années, la setlist fait honneur aux disques les plus récents, aux derniers-nés notamment comme The Road of Bones (2014) et Resistance (2019) ; un choix pas si évident (le progueux moyen étant connu pour son indécrottable nostalgie), mais qui s’est révélé être payant tout au long de presque deux heures trente de spectacle.
Une salle surchauffée et comble attend IQ le lendemain d’un concert aux Pays-Bas. L’impatience est d’autant plus grande que le public sait déjà à ce moment-là que la tournée 2025 ne passera apparemment pas par la France : Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Italie, Norvège, Suède, Pologne… et même quelques dates outre-Atlantique, mais – pauvre de nous – pas une seule date dans l’Hexagone. L’effectif du groupe a connu plusieurs bouleversements au cours de son existence, mais hormis Martin Orford qui a définitivement quitté son poste en 2007 (remplacé par Neil Durant, seul « nouveau » venu qui occupe les claviers depuis 2011, tout de même), la formation qui joue ce soir comprend quatre des membres présents sur le premier album, Tales From The Lush Attic.
C’est un doux euphémisme de dire que le quintette est acclamé dès sa montée sur scène sur les premières notes du très percutant « From The Outside In ». Et le plaisir est réciproque : Peter Nicholls répétera souvent pendant la soirée que ses acolytes et lui sont ravis d’être de retour. Il prononcera même quelques phrases dans un français tout à fait correct ! La mise en scène est minimaliste, la taille du plateau ne permettant guère aux musiciens de se déplacer. Mike Holmes (guitare) et Tim Esau (basse) occupent les côtés de la scène sans grande marge de manœuvre, coincés par les attirails encombrants de Paul Cook (batterie) et Neil Durant. En dehors des écrans sur lesquels sont projetées vidéos et animations, c’est à Nicholls que revient la tâche de donner un peu de théâtralité à l’ensemble malgré une liberté de mouvement réduite, enfilant de temps à autres quelques déguisements, blouse blanche par-ci, lunettes noires et gants de caoutchouc par-là, et balaie ainsi les thématiques de quarante ans de musique.
IQ pioche ainsi dans la quasi-totalité de son répertoire, hormis Ever (1993) et Are You Sitting Confortably ? (1989). La période où Paul Menel occupait le chant à la fin des années quatre-vingt – une époque en général peu appréciée des fans hardcore, à tort ou à raison – est d’ailleurs sous-représentée : seul « No Love Lost » tiré de Nomzamo (1987) a l’honneur d’être repris par le groupe (et par la foule aussi, soit dit en passant). Mais les vétérans ne sont pas là pour faire du fan service. Connaissant bien leur public, ils ne craignent pas de le perdre en route : les vingt-cinq minutes de montagnes russes de « Harvest of Souls » sont suivies avec la même passion qu’un titre beaucoup plus bref et direct (selon les canons en vigueur du prog rock, s’entend) comme le classique « Subterranea ».
Au fil des ans, les compositions se sont durcies, le son s’est fait plus agressif, notamment depuis Frequency, premier album post-Orford. Ainsi, malgré les contrastes propres à la musique d’IQ – riffs ravageurs, mid-tempos lourds, envolées lyriques, passages aériens, alternances de déchaînements et d’accalmies – c’est un show beaucoup plus heavy qu’il y a vingt ans qui est offert au public, incrusté de quelques perles de douceur à l’ancienne tel « Guiding Light » – peut-être le dernier titre en date ouvertement néo-prog du groupe ? Témoins de cette prise de distance et du style unique qu’ils se sont forgés, les Britanniques offrent aux Parisiens deux nouveaux titres, « No Dominion » et « Far From Here ».
Si une seule écoute n’est pas vraiment suffisante pour s’en faire une idée pertinente, on peut parier néanmoins que le second sera l’un des moments forts du prochain album à paraître en 2025, avec ses mélodies fortes, sa puissance électrique et ses différentes parties très tranchées. C’est aussi cet IQ-là, celui des années 2000, moderne sans renier son héritage, qui est mis en avant sur les deux premiers rappels, avec « Frequency » tout d’abord, puis « Ten Million Demons », un titre électro-rock oppressant et hypnotique vraiment à part dans une discographie traversant quatre décennies.
Pour remercier ces quelques centaines de furieux et leur dire « souvenez-vous comment c’était au début », le groupe offre en troisième rappel une partie de « The Last Human Gateway », tout droit tiré de Tales From The Lush Attic, tel le vieux cognac qu’on ne sort que pour les grandes occasions et qui fait l’unanimité. L’ovation sans fin qui accueille la fin du spectacle donne la mesure de ce qu’il a représenté pour le public : un moment précieux, qu’on savoure comme une euphorie rare car il ne se reproduira pas de sitôt.