Cynic - Traced in Air

Sorti le: 27/10/2008

Par Djul

Label: Season of Mist

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L’annonce du retour scénique du « cultissime » quatuor floridien avait constitué l’une des surprises les plus inattendues de l’année 2007. Son leader Paul Masvidal (chant, guitares), ne voulant pas écorner la légende entourant son groupe, avait méticuleusement composé avec son acolyte Sean Reinert (le batteur qui partage son autre projet Aeon Spoke) un, puis quatre nouveaux titres pour enrichir les deux tournées qui suivirent. Le guitariste s’était d’ailleurs montré plus qu’enthousiaste dans nos pages quant à l’inspiration que ces rencontres avec son public lui procuraient.

C’est donc tout naturellement que cette reformation temporaire est devenue définitive car entérinée par un contrat avec le label français Season of Mist et la sortie du second album Traced in Air. Cette apparente simplicité occulte cependant un fait pour le moins parlant : quinze années séparent ce nouvel essai de son prédécesseur Focus. Entre temps, des milliers de fans se sont acharnés à écouter et décomposer chaque mesure de ce dernier, qui devint par la force des choses l’un des maître-étalons de toute la vague de metal progressif et technique des deux dernières décennies. Comment combler les attentes forcément démesurées voire fantasmées de ses fans ?

Masvidal et Reinert, aidés sur ce disque de leur bassiste historique Sean Malone, ont su répondre de la meilleure manière, en équilibrant parfaitement l’identité unique du groupe avec des évolutions notables. L’identité en question se retrouve naturellement d’une part, avec cette voix claire « vocodée » et trafiquée mêlée de quelques cris death (moins nombreux que par le passé) et d’autre part, avec ces structures alambiquées, marquées par des riffs millimétrés et saccadés qui doivent autant au metal qu’au jazz. L’ensemble crée une ambiance surréaliste, qui n’a tout simplement aucun équivalent connu. C’est ainsi qu’un morceau comme « The Unknown Guest » s’inscrit en parfaite continuité de Focus, à l’image de ses parties agressives qui incorporent également quelques rythmes tribaux et ethniques chers à Reinert. La toute première des nouvelles compositions, « Evolutionnary Sleeper », reprend ainsi l’histoire du groupe où elle s’était arrêtée, tout du moins jusqu’au sublime solo final qu’Allan Holdsworth lui-même n’aurait pas renié.

Les évolutions se retrouvent en grande partie sur les quatre derniers titres écrits par le groupe, et qui se répartissent intelligemment de part et d’autre de l’album. « Nunc Fluens » fait office d’ouverture à la manière de Tool, tandis que son compagnon « Nunc Stans » en est une sublime conclusion, reprenant la légèreté et la grâce d’Aeon Spoke et de Portal, le projet mort-né qui devait succéder à Cynic. « The Space for This » et « The King of Those Who Know » surpassent qualitativement leurs camarades, grâce à des mélodies particulèrement mémorisables : le premier ne fait pourtant aucune concession en mixant passages aériens et violence exacerbée, tandis que le second offre des chants masculins et féminins au naturel à la plus belle mélodie vocale composée par Masvidal.

Réduit à trente-cinq minutes, dont plus de vingt-cinq déjà connues des amateurs, Traced in Air pourra frustrer. Ce paramètre de la durée présent sur Focus n’a néanmoins pas nui à sa postérité. On ajoutera que ce nouvel essai porte de folles promesses aux deux extrêmes de la liste de ses morceaux. Ceux-ci laissent rêveur quant à la suite des évènements qui se succèdent de plus en plus vite pour Cynic, pour notre plus grand plaisir.