King Crimson - Larks’ Tongues in Aspic

Sorti le: 03/12/2007

Par Djul

Label: Discipline Global Mobile

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Faisons un peu d’histoire. Nous sommes en 1972, et King Crimson semble dans une bien mauvaise passe. Si son leader, Robert Fripp, reste fidèle au poste, il est désormais bien seul au sein d’une formation dont la composition change à chaque album. Islands, son dernier album, en est la preuve la plus flagrante, avec un King Crimson à géométrie variable et à l’effectif pléthorique. Pourtant, le capitaine Fripp va redresser la barre et s’offrir l’un des plus beaux line-up de son groupe : Bill Bruford à la batterie, en exil de Yes, Jamie Muir aux percussions, David Cross aux violons et John Wetton à la basse et au chant, encore inconnu et pour qui Krimson constituera une formidable rampe de lancement (il en parle encore avec des souvenirs émus). Ce line-up sera le plus stable du groupe au cours des années 1970, lui permettant d’enchaîner ensuite sur le controversé mais essentiel Starless & Bible Black et le chef-d’œuvre Red.

Mais revenons à Larks’, l’album qui, avec In the Court of the Crimson King et Red, assurera la postérité du groupe. Il est d’ailleurs frappant de remarquer à quel point ce disque fait figure de trait d’union entre les deux époques, entre un classicisme progressif qui se maintient (avant de disparaître pour de bon dès Starless & Bible Black) et une musique moderne et agressive (la chanson-titre faisant office de mètre-étalon et de structure d’expérimentations pour le groupe, qui l’a déjà repris quatre fois en studio jusqu’à aujourd’hui).

Ainsi, King Crimson offre à son public quelques-uns des plus beaux et romantiques morceaux de son histoire, servis par un son très clair et propre, qui sonne encore aujourd’hui remarquablement bien. L’enchaînement du splendide « Exiles », où Wetton éblouit son monde avec ses vocaux empruntant à ceux de Greg Lake, et du raffiné « Book of Saturday », l’une des plus belles performances de Fripp, est l’un des temps forts du disque, et surtout un moment de calme entre deux tempêtes.

Car le groupe a un nouveau style, avec une musique agressive, aux arpèges rapides, technique et sans concession. Un modèle d’écriture qui perdure encore aujourd’hui, et dont le morceau-titre, en deux parties constitue la plus belle illustration. L’auditeur est pris à la gorge par ce morceau instrumental déchaîné, particulièrement violent pour l’époque.

« Easy Money » dresse une sorte de pont entre les deux tendances du disque, notamment grâce aux vocaux mélodiques de Wetton et aux claviers vaporeux de Cross, avec Fripp qui, en contrepoint, désosse ses riffs tout au long du morceau, à l’aide de nombreux crissements. « The Talking Drum » est l’occasion pour Muir de se faire entendre, pour une improvisation comme on en trouvera une sur chacun des deux disques suivants. Album à la fois difficile et essentiel.

On ne peut terminer sans dire un mot des enregistrements en concert qui ont eu lieu au cours de cette période. Deux sont disponibles chez tout bon disquaire et s’avèrent essentiels. Le double live The Night Watch vaut surtout parce qu’il forme la base du prochain album, Starless & Bible Black. De plus, pour celui qui souhaite redécouvrir les morceaux de Larks’ et Red joués sur scène avec encore plus d’énergie et quelques variations ainsi que des improvisations absolument homériques, la récente ressortie du coffret culte The Great Deceiver, issu des concerts de 1973 et surtout de la tournée américaine de 1974, sous un format de deux doubles albums, est une occasion à ne pas rater, d’autant que le son est optimum.