Yes - Relayer

Sorti le: 12/12/2005

Par Djul

Label: Atlantic Records

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Nous sommes en 1974 et les trois dernières années qui se sont écoulées ont été des années fastes pour Yes : reconnaissance internationale avec Fragile puis avec le classique Close To The Edge. Le départ de Bill Bruford pour King Crimson et une certaine incompréhension des fans du groupe après la sortie du double Tales from the Topographic Oceans commence à semer le doute sur la capacité du groupe à sortir du carcan qu’il a lui-même créé : les grandes chansons épiques, un peu naïves. C’est dans ce contexte que le claviériste Rick Wakeman décide de faire ses valises, une décision qu’il sera amené à reprendre de nombreuses fois par la suite! Yes décide d’engager le Suisse Patrick Moraz dans l’aventure, un claviériste de formation plus jazz que classique, au son plus neuf que celui de Wakeman, qui s’acharne à employer orgues et clavecin.

De cette union naquit Relayer, un disque on ne peut plus à part dans la discographie de Yes, une sorte d’OVNI qui semble aujourd’hui encore étonner jusqu’à ses concepteurs. Composé uniquement de trois titres, ce disque incroyablement technique et foisonnant est en quelque sorte le paroxysme – mais pas forcément le summum – du groupe en matière d’inventivité et de composition de morceaux épiques. Après lui, le groupe cherchera d’autres voies et un autre style.

«The Gates of Delirium» est le premier morceau du disque, pavé de 22 minutes sans compromission. Le groupe n’a visiblement pas le temps de prendre l’auditeur par la main pour débuter en douceur, comme il est pourtant de coutume de faire pour une composition d’une telle durée. Non, il préfère le prendre par la gorge pendant 5 minutes de délires techniques pendant lesquelles Howe enchaîne les soli sans interruption avec un son très agressif, suivi en cela par Patrick Moraz, dont le style hyper démonstratif et dissonant tranche avec les grandes plages de mellotron classicisant de son prédécesseur. La section rythmique n’est pas en reste avec un Alan White pas forcément à son aise d’ailleurs. L’exercice aurait plutôt convenu à un batteur plus jazzy comme Bruford. Le groupe se calme enfin pour laisser à Anderson le temps d’en placer une, et le titre prend des allures plus raisonnables, pour s’apaiser enfin à mi-parcours. Sa conclusion est un des moments les plus magiques de Yes, «Oh Soon the Light». Anderson n’a jamais aussi bien chanté, accompagné par un Steve Howe en apesanteur et un Moraz enfin apaisé. Un très grand moment qui a été reproduit lors de la tournée symphonique de 2001.

«Soundchaser» est un morceau de même facture, hyper rythmé, avec des harmonies à la limite de la dissonance, et toujours des idées qui s’enchaînent à toute allure. Ici, c’est pendant 10 minutes sans interruption que le groupe déploie toute son énergie, et, aujourd’hui encore, on reste frappé de la pêche incroyable de ce morceau, bien plus que ce le groupe a pu faire avant ou après Relayer. «To Be Over» calme enfin le jeu avec un tempo raisonnable et un Jon Anderson qui peut enfin se laisser aller à son lyrisme habituel. Le jeu de Moraz reste très intéressant, utilisant plus de nappes et permettant à Chris Squire de développer de multiples atmosphères.

Un disque à part donc, à déconseiller aux cardiaques et à ceux qui souhaitent découvrir le groupe. Les plus aventureux découvriront une page méconnue du groupe, une courte période qui mérite bien plus de reconnaissance.