Yes - In the Present: Live from Lyon
Sorti le: 15/12/2011
Par David Ree
Label: Frontier Records
Site: www.yesworld.com
L’art visuel de Roger Dean n’est pas à proprement parler le plus représentatif de l’air du temps. Dans le cas présent, son dernier tableau en date pour le compte du « plus grand groupe de rock and roll progressif de tous les temps » (dixit yesworld.com) nous ramène même quinze ans en arrière lorsque sortaient les deux volumes de Keys to Ascension, leurs mêmes teintes bleues ainsi que leur arc de pierre émergeant d’un lac façon bienvenue au centre de la Terre. À l’heure de Twitter, l’arrivée aujourd’hui dans les bacs de cet album live, enregistré à Lyon en 2009 et au titre chatouilleur (en voilà une perche tendue au chroniqueur s’improvisant historien), sonne comme une livraison Chronopost ayant souffert successivement de la grève des postiers et du pont.
Voilà qui explique en tout cas l’absence de tout morceau issu du rafraichissant Fly From Here sorti il y a quelques mois. De toute manière, l’enjeu principal est ailleurs : montrer ce que vaut au micro Benoit David – successeur du mystique Anderson et possible élément moteur d’un énième retour sur le devant de la scène – sur le répertoire classique et radiophile du groupe. On ne contestera pas qu’il possède le timbre suffisant pour perpétuer la tradition, malgré sa fâcheuse tendance à ne jamais sembler totalement atteindre le pitch adéquat lors de ses montées, et plus dommage encore, l’absence de cette enveloppe magique qui garantissait au parolier ésotérique une diction parfaite et une pureté vocale à l’abri des conditions matérielles (aléas de la météo, ultraviolets, etc.) auxquelles le commun des mortels est soumis.
Yes connaît sa setlist à force d’existence, et, poids de décennies d’activité scénique oblige, la manière de l’interpréter dans les règles de l’art. Comprenez par là que la machine est bien rodée, la partition assimilée, maîtrisée et dépassée au profit des exigences de l’instant t. Pour tenter de comprendre ce qui nous laisse tant sur notre faim, il faut s’attaquer auxdites règles de l’art même, que le temps géologique s’est employé à éroder ici et là : à noter tout particulièrement un habillage sonore tout-numérique qui donnerait presque envie d’engager une campagne de cotisation pour offrir une nouvelle fois à Wakeman (n’était-ce Geoff Downes aux commandes) ses douze claviers analogiques du temps de Fragile, et la batterie d’Alan White, métronomiquement cogneuse jusqu’à en saper ce que la linéarité pouvait avoir de grand avec un Bruford, et contrastant avec le coussin de nuages extensible sur lequel le reste des musiciens se promène, de telle manière à rendre le beat à la fois trop rapide et pas assez – effet nauséux garanti. Sans même entrer dans de telles considérations, on pourrait se limiter au constat qu’à aucun moment, ce Live from Lyon, ne nous aura propulsé hors de la stratosphère – ce que Yesworld nous avait promis en quelque sorte.