Marillion - Marbles

Sorti le: 16/03/2004

Par Pierre Graffin

Label: Racket Records

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Après trois ans de silence studio, Marbles succède enfin à l’inégal et controversé Anoraknophobia. Dire que cet album était attendu relève de l’euphémisme, car Marillion est un groupe plutôt constant dans la qualité de ses productions, dont certaines frisent d’ailleurs l’excellence. Clutching At Straws, Brave ou Afraid Of Sunlight, pour n’en citer que trois, sont autant de pépites musicales à côté desquelles les dernières livraisons faisaient plutôt pâle figure…Marbles est-il le sursaut espéré par beaucoup ? La pression est énorme car pour de nombreux fans, cet album est un peu celui de la dernière chance…

S’il est difficile et parfois insurmontable de succéder à un chef d’œuvre (c’est avec indulgence que fut ainsi accueilli This Strange Engine en 1997), il n’en est rien dès qu’il s’agit de faire suite à un Anoraknophobia somme toute assez inégal. Annoncé à grand renfort de promotion sur le site officiel du groupe, Marbles était présenté par Steve Hogarth lui-même comme un album de la veine de Brave dans son « intensité »… La découverte de ce nouveau disque révèle hélas assez vite que cette phrase est non seulement hâtive, mais surtout cruellement malheureuse. Ne laissons pas planer le suspens plus longtemps : Marbles est inintéressant de bout en bout. Au-delà du fait que les premiers qualificatifs venant à l’esprit sont « lancinant » et « soporifique » (« Angelina », même parcouru par la guitare sibylline de Steve Rothery est un ambassadeur du genre), ce disque est surtout dépourvu de la moindre émotion : un comble pour un groupe dont c’était l’apanage depuis des lustres.
Marbles s’engouffre dans tous les clichés du genre et se jette dans l’auto-parodie. Il s’englue tout seul, au pire dans des arrangements pompeux et sans âme (le final de « Invisible Man », à grand renfort de chœurs et de guitare solo) ou au mieux dans une redite assez maladroite des dernières livraisons, comme sur « Marbles I » qui évoque le joli « This Is The 21st Century », figurant sur le précédent album. Même la voix, toujours aussi magique, de Steve Hogarth, ne parvient pas à provoquer ici le moindre frisson. Elle se contente de hanter ce navrant effort et frôle même parfois l’insupportable comme sur le final de « Invisible Man » ou de « Neverland ».
D’autres titres ne font qu’évoquer une grandeur désormais passée. Ainsi, le juste « potable » « Fantastic Place » rappelle de très loin les grands moments de « The Great Escape » (Brave) ou de « Out Of This World » (Afraid Of Sunlight) mais toujours avec une désolante platitude. Le premier (et certainement seul) extrait de cet album, « You’re Gone », est singulièrement dépourvu du moindre refrain ou de la moindre petite accroche qui devrait motiver le choix d’un single. Il est d’ailleurs à l’image de ce disque : désespérément fade, et ce malgré plusieurs écoutes recueillies. Si l’on ajoute à cela certains arrangements qui, non seulement n’apportent rien, mais qui confinent au pénible (les incursions de clavecin sur « Drilling Holes »…), on obtient un disque dont la qualité est inversement proportionnelle à l’engouement que suscite encore le groupe. Même la production de Dave Meegan, remarquable de justesse et de nuances, ne parvient pas à sauver ce disque.

C’est donc avec beaucoup de déception et de tristesse que l’on écoute Marbles et que l’on fait cet amer constat : la magie s’en est bel et bien allée, cette fois, et il y a fort à parier que la bande de Steve Hogarth continuera sa route en abandonnant sur le bas-côté le peu de fans qui restaient encore indéfectiblement acquis à sa cause. Anoraknophobia avait déçu, Marbles consterne…