Marillion - Marbles

Sorti le: 16/03/2004

Par Djul

Label: Racket Records

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Suite au pari de Marillion de faire en partie financer son nouvel album par ses fans, une campagne de communication particulièrement réussie a été mise en place. Tout a été dit sur ce Marbles : un retour au progressif pur jus (l’effet double album ?), un disque proche du merveilleux Brave, des morceaux encore plus pop et modernes. Il était difficile de savoir à quoi s’attendre, d’autant qu’à l’arrivée, Marbles n’est rien de tout de cela et se distingue avant tout par cet aspect proprement insaisissable.

Une chose est certaine : ce n’est ni l’album de la rédemption attendu par les ultras, qui auraient dû s’arrêter en 1993, ni celui qui permettra à Marillion de renouveler (et rajeunir) son public. Seuls ceux qui suivent – et apprécient – l’orientation du groupe depuis 1999 sont susceptibles d’adhérer à Marbles, ce qui rend le pari de Marillion plus que risqué…
C’est avant tout l’homogénéité du disque qui frappe : particulièrement bien produit, avec beaucoup d’effets discrets et de jeu sur les niveaux sonores, tous les titres sont passés au filtre d’un mixage très moderne et détaillé. Mais au-delà du son, les compositions elles-mêmes semblent avoir été modelées selon le même canevas : rythmes lents, climats apaisés, claviers vaporeux, Marillion est dans l’éther. Peu de montées en puissance, pas de morceaux énergiques, le groupe semble planer seul sur son nuage et ne redescendre au niveau de l’auditeur qu’à de rares moments (« Drilling Holes » et son excellent rythme martial). Pire, les Anglais semblent à courts de mélodies, ce qui étonne lorsque l’on repense aux déclarations et à l’ambition du groupe pour cet album : Hogarth offre des lignes de chant parfois quelconques, rarement mémorisables, et seul Rothery semble à même d’extirper ses collègues de la torpeur, poursuivant le travail d’exploration musical débuté sur Anoraknophobia.
D’autres symptômes de ce constat pour le moins surprenant ? Mark Kelly propose des nappes de claviers plus que des arpèges et ressort des sons très datés, entre 70’s et 80’s, et le morceau-titre « Marbles » n’est qu’une composition basique divisée en quatre inutiles mouvements. « You’re Gone », le single censé atteindre les cimes des « charts » britanniques, n’arrive pas à produire une seule mélodie attrayante (au contraire du réussi « Don’t Hurt Yourself ») et « Angelina » n’aura pour seul atout que de vous bercer dans une torpeur ouatée.
Bien sûr, certains titres ressortent de cet ensemble laborieux : le long « The Invisible Man », sorte de « I am the Intruder » (Peter Gabriel) contemporain, qui se mue doucement en suite à « The Hollow Man », ou « Neverland », qui rejoint la grâce de « This Strange Engine », avec sa construction à tiroirs et ses mélodies qui, enfin, vous remuent les tripes. Et c’est bien là la principale déception : comment un groupe aussi émotionnel que Marillion a-t-il pu sortir un album aussi froid et peu tourmenté ?
Autre déception, le « double » album annoncé risque de n’être qu’un album « plus », puisque seuls quatre titres s’ajoutent à la version commercialisée : à moins que ces derniers ne durent chacun plus de dix minutes, on est loin du compte.

Les quelques morceaux dans la droite ligne du meilleur Marillion sont noyés sous des titres banals et plats, et alors que la plupart des albums du groupe – y compris les derniers – font preuve d’une forte personnalité (un This Strange Engine acoustique, un Marillion.com pop moderne, un Anoraknophobia expérimental…), le petit dernier ne s’en trouve aucune, à force de se dissoudre dans un contenu trop souvent insipide. Lorsque l’on a affiché une telle confiance en sa créativité et que l’on a attisé la curiosité de la sorte, le retour de bâton pourrait être sévère lorsqu’il faudra à nouveau solliciter le public.