Dark Suns - Everchild

Sorti le: 04/08/2016

Par CHFAB

Label: Prophecy Productions

Site: http://www.darksuns.de/

Avec le tour de force massivement acclamé que fut Orange (2011), particulièrement jouissif et inspiré, le groupe allemand délaissait définitivement l’artillerie metal du départ, pour un prog hyper élaboré, très seventies dans ses sonorités, au groove souvent imparable. Une pépite, pas moins. Lui succéder s’avérait difficile, pour ne pas dire une gageure.Trois possibilités : le plantage (mais vu le niveau, ça semblait quasi impossible), la redite (là non plus, on ne s’en serait pas plaint !), ou enfin l’évolution, l’inattendu, l’ouverture sur des horizons supplémentaires. Cinq ans ont passé et l’on se disait que finalement, Dark Suns avait déjà produit son chef-d’oeuvre et pouvait désormais disparaître. C’était mal connaître ce groupe, désormais octuor (trompette et saxophone ont rejoint les festivités, en plus d’un batteur permanent, libérant pleinement Niko Knappe, qui tenait aussi les baguettes, au chant). Dark Suns joue une fois de plus la carte pleinement artistique, laissant sa musique aller à nouveau de l’avant. Rien que pour ça, chapeau, peu nombreux sont ceux qui savent se remettre en question à chaque album !

L’entrée en matière s’annonce énergique et très joliment composite, entre heavy pop assumée, et glissements neo jazz aux harmonies proches d’un Jagga Jazzist, cuivres à l’appui. Le chant de Knappe apparaît très caressant (on pense beaucoup à Rhys Marsh), plânant au dessus de cet échafaudage splendide, tournant sans cesse autour des accords. L’univers s’est encore enrichi, avec beaucoup de séduction. La suite enfonce le clou ; post rock, post jazz, post pop, post gothique, et ce, avec une façon toute diabolique de se renouveler, de glisser vers un refrain ou une digression avec une fluidité absolument miraculeuse… «  Drifting With The Sun » au riff d’intro vénéneux et blues à souhait, suivi d’un refrain sous-tendu de mellotron, est un modèle du genre. Même si ça et là on traverse des zones assez sagement balisées, même si la voix parfois très maniérée du chanteur peut agacer, et même si l’album souffre d’une certaine longueur (onze morceaux), les atmosphères y sont terriblement soignées, ondoyantes, ondulantes, cycliques à en perdre la tête (mais jamais l’âme) ; cet album saura charmer en profondeur. On y décèle en filigrane les nuées d’un Porcupine Tree, filtré de fusion lente et majestueuse, d’un Riverside au meilleur de sa forme (le chant rappelle beaucoup celui de Mriusz Duda), ou d’un Anekdoten, avec la même magie des arrangements, et dont les splendides arabesques et mutations harmoniques semblent manquer aux derniers travaux de Sir Wilson, c’est dire !

L’apport des instruments à vent (trompette, flute ou saxo, notamment pour «  Monster » au jazz magnifique et très envoûtant) représente un enrichissement indéniable. Le piano également, dont les accords veloutés contribuent si bien aux impressions stratosphériques. L’orgue Hammond et le Fender Rhodes (émulation ou instruments d’origine ?), ça et là, ainsi que les nombreux sons clairs et effets de guitare (« The Fountain Garden », magnifique) conservent l’orientation seventies du disque précédent. Et si la majesté et la lenteur dominent le propos, c’est sans compter quelques moments de puissance, et de très belle énergie (« The Only Youg Ones Left », ou « Codes »).

En un mot, Everchild propose une musique capiteuse, superbe, en rien démonstrative, splendidement construite et chantée, très équilibrée, à la beauté profonde et pourtant évidente, et dont on ne devine jamais complètement la suite. C’est l’un de ses innombrables charmes, celui de vous pousser irrésistiblement vers une réécoute. Un seul souhait, que le prochain arrive plus vite ! br>
Une splendeur.