Sebkha-Chott - Nagah Mahdi

Sorti le: 09/01/2007

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: Musea

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Tiens, tu es là ? Tu es parvenu au bout de cette liste de morceaux sans t’effondrer ? Magnifique ! Reprends quelques secondes ton souffle car cela va reprendre de plus belle ! Bienvenue dans le monde complètement barje de Sebkha-Chott qui, après De l’existence… de la mythologie chottienne en 7 cycles en 2003, a sorti son deuxième album, Nagah Mahdi – Opuscrits en 48 rouleaux il y a quelques mois. Qui est Sebkha-Chott ? Plus qu’un groupe, il s’agit d’une entité (s’intégrant dans plusieurs autres par ailleurs), une sorte de théâtre musical qui, forcément, doit être vu dans un contexte live pour être pleinement apprécié. Ils sont plus ou moins huit dans Sebkha-Chott, tous plus ou moins cagoulés ou masqués, avec plus ou moins beaucoup d’invités, sous la houlette d’un certain Wladimir Ohrelianov II.

Ce premier paragraphe laisse penser que c’est un sacré bordel musical, Sebkha-Chott. Certes, c’est un véritable Capharnaüm mais en grattant quelque peu le vernis, on remarque que c’est très structuré et très organisé. La section rythmique mène la barque d’une main de fer dans un gant de velours. Oui, c’est vrai, il n’y a que peu de velours. Sur ce soubassement massif se place un certain nombre de tonnes d’instruments divers (cuivres, claviers, samples et autres claquettes). Bref, vous n’en savez pas beaucoup plus.
Le groupe définit sa musique comme du Mekanik Metal Disco dont le récit fondateur se déroule dans un monde imaginaire, Ohreland – est-ce pour prévenir que les spectateurs en sortiront « ab-assourdis » ? –, qui est à Sebkha-Chott ce que Kobaïa est à Magma. Jolie expression pour dire qu’on mélange sans vergogne Zappa, Zorn, Patton, Estradasphere et compagnie, le tout enrobé de bossa nova, de salsa, de disco, de samba, d’electro, ceci dans un voyage en 48 opuscrits (l’opuscrit est à la musique ce que le manuscrit est à la littérature). On y passe allégrement du militantisme écologique au ravalement de façade au Botox sans oublier de nombreux passages à caractère sexuel (évidemment !).

Bref, Sebkha-Chott fait passer un moment totalement fou et humoristique à l’auditeur qui, contrairement à certains albums de Fantômas, ne sera pas rebuté par l’aspect hache-paille de l’album. Au contraire, les morceaux sont mis en place dans une sorte de fondu enchaîné du meilleur effet, en tout cas pour 47 d’entre eux. Quid du quarante-huitième ? En fait, il s’agit de la seule longue plage de l’album, adéquatement intitulée « Soul Coït », qui vient là, un peu comme un cheveu sur la soupe. Morceau entièrement improvisé, on a affaire à de l’accordage d’instrument pour l’essentiel. Et c’est là, dans une soirée entre amis, qu’on te dit : « t’as rien compris, c’est conceptuel !  » ou encore : « c’est avec ce genre de morceau qu’on reconnaît les grands albums !  ». En effet, qui oserait dire du mal aujourd’hui des huit minutes de bruitages dans le « Moonchild » de In the Court of the Crimson King ? Rassurez-vous, pour une fois, il existe une réponse imparable et on vous la donne gratuitement : « Soul Coït » est en fait l’œuvre du Collectif Genbaku Orchestra (dont les membres de Sebkha-Chott font partie pour la plupart), c’est un délire théâtral en concert. Ce qui passe bien en concert n’est pas forcément adéquat sur CD.

On ne va pas s’étendre sur un morceau que l’on peut zapper aisément alors que le reste de l’album est une vraie réussite, complètement barje certes, mais réussite quand même ! D’une certaine façon, on peut rapprocher Nagah Mahdi – Opuscrits en 48 rouleaux d’un autre album débilement génial du rock français, Houlàlà II : La Mission de Ludwig von 88. Qu’on ne se méprenne pas, il s’agit d’un réel compliment ! Et que l’on n’oublie pas non plus que Sebkha-Chott est composé de musiciens extrêmement talentueux qui font tournoyer l’auditeur avec une facilité déconcertante dans les passages complexes ! A ne rater sous aucun prétexte en concert !