Twelfth Night - Fact And Fiction - The Definitive Edition

Sorti le: 17/06/2018

Par Jean-Philippe Haas

Label: Festival Music

Site: http://www.twelfthnight.info

Sauf peut-être si l’on s’appelait Marillion ou si l’on était rescapé de la décennie précédente, il n’était pas facile de vivre en tant que musicien de rock progressif au début des années quatre-vingts. L’Âge d’Or était révolu depuis quelques temps déjà et les grands noms perdaient de leur aura ou, à l’instar de Genesis ou de Yes, opéraient désormais dans des registres plus commerciaux, collant à l’air du temps… Une poignée de groupes avait pourtant décidé d’entretenir la flamme coûte que coûte, tentant d’actualiser un genre mort de s’être vautré dans ses propres excès. Parmi ces téméraires, on trouvait Pendragon, IQ, Pallas et Twelfth Night. Aucun d’entre eux ne connut jamais la gloire, mais tous continuent à produire des disques, pour le bonheur des amateurs d’un « prog’ rock » qui aujourd’hui semble enfin revenir sur le devant de la scène, sous différentes formes.
Twelfth Night est un cas particulier. Le groupe britannique n’a pas été un modèle de lisibilité ni de stabilité, connaissant différentes incarnations, instrumentale ou chantée, et des changements de personnel au micro (Geoff Mann jusqu’en 1983 puis Andy Sears et enfin Mark Spencer récemment). Bien que le groupe soit sur le point de décoller en 1986 avec XII et une signature sur un gros label (Virgin), il se dissout néanmoins un peu plus tard. Puis, après une reformation dans les années deux mille, le bassiste Clive Mitten fonde en 2017 The C:Live Collective et enregistre de nouveaux titres, plus d’un quart de siècle après « The Collector », dernière composition originale du groupe.
Fact And Fiction, sorti en 1982, constitue l’apogée de Twelfth Night, avec deux pièces emblématiques, sombres et pessimistes, qui comptent parmi les plus belles réussites d’un rock aussi sophistiqué qu’engagé : « We Are Sane » et « Creepshow ». Avec leurs ambiances changeantes et inquiétantes, leurs textes aiguisés comme des rasoirs chantés par un Geoff Mann totalement possédé, ces deux monuments trônent aux côtés de titres plus accessibles , à l’image de « This City », « Fact And Fiction » ou « Love Song », démontrant que Twelfth Night savait jouer sur tous les tableaux.

Le premier disque de la présente réédition est complété par certaines chansons écartées à l’époque comme « East of Eden », un « Human Being » bien fougueux ou encore la reprise de The Beatles « Eleanor Rigby ». Les huit pistes de l’album vinyle originel restent bien évidemment le principal intérêt de cette sortie, mais l’inconditionnel aura néanmoins de quoi se mettre sous la dent, et pas seulement des fonds de tiroir. Si une version étendue de l’album contenant sept titres bonus (dont les chansons écartées citées plus hauts) avait déjà vue le jour en 2002 sur le label Cyclops, ce ne sont pas moins de deux autres disques qui enrichissent celle-ci. Dans les inédits dénichés pour l’occasion se trouvent des captations live d’excellente qualité, les plus notables étant « We Are Sane » et « Fact And Fiction » et « Love Song » de 1983. Le second disque est d’ailleurs composé d’interprétations scéniques des titres originaux, ainsi que de quelques demos. Mention spéciale pour la version heavy de « Fact And Fiction » par Mark Spencer, réellement enthousiasmante. Le troisième disque comprend des reprises souvent récentes, chantées par différents interprètes. Parmi eux, on trouve entre autres l’ex Pallas Alan Reed (« Love Song »), Tim Bowness (« This City »), Galahad (pour une relecture très réussie de « Fact And Fiction »), en passant par Mark Spencer, qui reprend « We Are Sane ». A noter que cette reprise extrêmement puissante l’est encore davantage que celle, chantée par Spencer également, qui figure sur le premier enregistrement de The C:Live Collective, The Age of Insanity.

Outre le plaisir de redécouvrir un album-clé du « néo-prog » (une étiquette tellement restrictive et bien peu adéquate, en l’occurrence) , la voix unique et l’acuité des textes de feu Geoff Mann, cette réédition, avec son lot de versions live et de réinterprétations met en lumière une chose : la qualité des compositions originales, qui passent parfaitement le cap des décennies, de la scène et des reprises.