Twelfth Night - Smiling At Grief... Revisited

Sorti le: 25/03/2022

Par Jean-Philippe Haas

Label: Autoproduction

Site: https://twelfthnightuk.bandcamp.com/

La version « définitive » de cet album, sortie en 2009 sur le label Festival Music n’avait pas convaincu par sa pertinence, pour de multiples raisons : d’une part, l’original ne revêtait déjà qu’un intérêt historique, celui d’être le premier enregistrement réalisé en 1981 avec le chanteur Geoff Mann. D’autre part, les bonus de cette réédition ne présentaient pas grand intérêt non plus, sauf peut-être pour le collectionneur. Il en va tout autrement de Smiling At Grief… Revisited. Il ne s’agit pas en effet d’un simple remixage/dépoussiérage d’une grosse démo censée à l’époque attirer l’attention d’une maison de disque, mais d’un lifting de luxe réalisé par quelques pointures du prog’, dont l’inévitable et incontournable Steven Wilson lui-même. Twelfth Night ayant reçu plus de contributions que ne pouvait en accepter un 33 tours, le groupe a sorti conjointement un CD qui comprend d’autres variantes en bonus, de même qu’un album digital, encore enrichi par rapport aux supports physiques.

C’est au pape du prog’ moderne que revient l’honneur d’ouvrir la séance de chirurgie esthétique avec « East of Eden ». Rompu à l’exercice du remixage, Wilson ajoute une bonne dose de clarté et d’énergie à ce qui n’est rien d’autre que l’archétype d’un tube rock/new wave des eighties. On imagine sans peine le succès qu’aurait pu avoir ce « hit » en puissance porté par le riff hypnotique d’Andy Revell, avec une promotion digne de ce nom. Dans la version rallongée, présente sur le CD, Monsieur Porcupine Tree mélange plusieurs prises du solo de guitare et ajoute un final différent. Ce sont les titres les plus courts, les plus directs comme celui-ci, qui bénéficient vraiment de cette cure de jouvence. Parmi eux, « This City » gagne en solennité grâce à Peter Jones, « The Honeymoon is Over » en nervosité sous l’influence métallique de Karl Groom, tandis que le traitement plus radical appliqué à « Makes No Sense » par Tim Bowness et Brian Hulse transforment un titre au départ assez inégal en une petite perle pop. Quant aux deux compositions « progressives », leur format rendait difficile autre chose qu’un polissage et quelques ajouts discrets. Ainsi, bien que le « Creepshow » de Fact and Fiction soit bien supérieur à celui-ci, Simon Godfrey a réussi à coller à l’ambiance assez sombre de cette longue composition par l’ajout de nappes analogiques et d’une piste vocale inédite de Geoff Mann. Enfin, les claviers ajoutés par Dean Baker à l’instrumental psychédélique « Für Helene part II » donnent un peu d’épaisseur à ce titre monolithique.

Sur le CD, on découvre de nouvelles contributions, arrivées postérieurement à la réalisation du vinyle : différentes versions de « Puppets » dont celle, toujours respectueuse de l’originale, de Steven Wilson, ou celle, complètement réarrangée et rechantée de Rob Reed, le « The Honeymoon is Over » d’Andy Tillison, un « Three Dancers » agrémenté de nouvelles guitares signées Gareth Cole… et d’autres encore, qui, chacune, apportent d’intéressantes variations.

En définitive, ce qui n’était à l’origine qu’un enregistrement promotionnel est presque aujourd’hui un nouvel album. Plus percutant, plus envoûtant, Smiling At Grief… Revisited peut regarder son aîné de haut. Les musiciens contributeurs, tous fans de Twelfth Night, ont dans l’ensemble fait des merveilles, notamment avec la production un peu fauchée de l’époque. Si le brouillon de Fact and Fiction était loin d’être un monument du prog, mais plutôt l’embryon de belles choses à venir, il devient à l’aube de ses quarante ans, par la magie de la technologie alliée à la passion, un joli recueil d’art rock façon années quatre-vingt, où les genres se téléscopent. C’est dans cet état d’esprit qu’il faut l’écouter et le redécouvrir, sans bouder le plaisir nostalgique qu’il procure.