Isildurs Bane - Off The Radar

Sorti le: 06/05/2018

Par CHFAB

Label: Ataraxia

Site: https://www.facebook.com/ibexpo/

Rattrapage.

Six mois après un retour heureux et décalé, en collaboration avec l’inattendu Steve Hogarth, pour Colours Not Found In Nature, les Suédois d’Isildurs Bane récidivaient en cette toute fin d’année 2017, avec cette fois un album totalement revendiqué dans sa composition, bien qu’il soit le fruit d’un collectif aux rebondissements musicaux et effectifs particulièrement multiples… Du genre à s’y perdre, malgré un talent souvent de tout premier ordre.

Isildurs Bane, pour les néophytes, c’est un genre à lui tout seul, au départ fortement influencé par Zappa et le néo classique, jazz rock et avant garde en bandoulière, avec des directions soit très symphoniques (unissons de guitares, cuivres et xylophones), soit très ambientes, voire expérimentales, l’électronique se mêlant aussi parfois à l’affaire. De ce dernier point de vue ce sera fortement le cas pour le disque ici présent. Il est bien difficile de dresser une appréciation objective d’une telle discographie, selon que l’on penche du côté mélodique et structuré de la musique, ou que l’on s’intéresse davantage au versant atmosphérique, impressionniste et abstrait d’une oeuvre. On pourra sur ce point reprocher au collectif un manque de synthèse, tant parfois il présente un parcours déséquilibré, laissant à l’occasion l’auditeur sur sa faim. Pour se faire une idée, on pourra avancer sans trop d’erreur que Mind – Vol 2 Live est une excellente entrée en matière.

Off The Radar est un disque intéressant, pour peu qu’on fasse le choix de revenir à son exploration, bien qu’il souffre une nouvelle fois d’un manque de direction. A force de se vouloir insaisissable, on risque parfois de le devenir… concrètement! Tout commence superbement avec Drive! Parts 1-3 , aux effluves zappaiennes débuts 70s, très new jazz façon Jagga Jazzist, très entraînant, d’une énergie communicative, aux motifs mélodiques (les fameux unissons) superbes, laissant grandir une émotion d’une grande beauté. Mais brusquement le morceau rompt avec cet envol dont on était prêt à poursuivre le formidable crescendo… Une phase très intériorisée prend les devants, de ces atmosphères ambient expérimentales jazzo électroniques auxquelles nous ont habitués les Suédois, fagocitant l’identité même du morceau, la portion mélodique de départ apparaissant du coup comme incongrue…! Elle s’avèrera d’ailleurs le seul tronçon véritablement symphonique du disque, tant toute la suite sera dominée par les planances impressionnistes précitées. Le deuxième morceau tentera une synthèse davantage fluide des deux versants, avec un vrai succès. Les quatre plages suivantes offriront de longues vagues évocatrices, tantôt rythmées, tantôt zébrées de suaves instruments à vent, souvent superbement, mais sans qu’aucun morceau se distingue vraiment des autres, et parfois même avec certaines longueurs… Le morceau final est un bonus, une pièce pour guitare classique remémorant les tout débuts du groupe, splendide de délicatesse et d’inspiration baroque et classique, mais qui du coup n’évoque strictement rien de tout ce que l’on vient d’entendre…! De quoi définitivement jeter le trouble et la circonspection.

Pris séparément, chaque jalon de Off The Radar est un voyage à lui tout seul, nous invitant délicieusement à laisser toute revendication ou repère derrière nous, chaque idée ayant été disposée avec un soin remarquable. Mais c’est bien le manque de cohérence, de cohésion dans le choix des pièces qui articule le tout, qui semblera prédominer pour les plus réticents d’entre nous. Pour les autres, on avancera un vaste bouquet d’inspirations et un talent de presque chaque instant pour distiller les séquences d’un film aux couleurs futuristes et puissamment introspectives. La dimension scénique entérinerait ce constat, pour peu qu’on ait l’heureuse occasion de voir le groupe jouer live. On attend tout de même un disque véritablement pensé dans son ensemble, à la hauteur de ce qu’Isildurs Bane est capable de faire.