Matthew Parmenter - All Your Yesterdays

Sorti le: 17/03/2016

Par CHFAB

Label: Bad Elephant Music

Site: https://matthewparmenter.bandcamp.com/

Troisième solo pour le mentor de Discipline, après deux superbes premiers disques, magnifiques serait-on tenté de dire (Astray en 2004, Horror Expressen 2008), doublés d’un retour en fanfare, suivi d’un live transcendant, de son groupe… On connaît , du moins c’est très fortement souhaitable, les multiples talents de ce Pierrot touche-à-tout, natif des Etats-Unis: multi-instrumentiste (le mot n’est pas galvaudé ici : claviers, guitare, saxophone, violon, percussions etc…), compositeur émérite, auteur appliqué, arrangeur inspiré, et enfin, et pas des moindres, chanteur ultra expressif, au visage de lune, costumes et immersion théatrâle compris. Nul besoin de dire à quel point ce nouveau disque solo était attendu, tant son univers sombre et singulier, évoquant le clair-obscur des tout meilleurs Van Der Graaf Generator, Genesis ou Crimson, est encore présent dans les mémoires.

Contre toute attente, All Our Yesterdays est une déception… Pourtant l’album démarre à son meilleur niveau, avec le splendide et diaphane « Scheherazade », aux vocalises délicates, funambules, avec toujours ce sens serpentesque de la mélodie. La deuxième pièce, instrumentale, poursuit dans la même veine, ultra mélancolique et chaloupée, offrant percussions d’Orient et tintements célestes, superbe et…trop court !…La suite va trancher pourtant, jusqu’à délaisser le caractère vénéneux et envoûtant auquel le bonhomme nous a tant habitués. Ce n’est pas forcément son meilleur choix. On sent ici la volonté chez le bonhomme de proposer des ambiances plus variées, plus solaires parfois, et plus simples. Une intention louable, évidemment, mais très casse-gueule, et qui va dérouter voir décevoir. On pourra à la rigueur rapprocher ces nouvelles compositions, d’obédience plus folk, du tout premier album de Discipline, la dimension de groupe manquant cependant cruellement. C’est un écueil que Matthew Parmenter avait pourtant su dépasser lors de ses parutions précédentes, et de fort belle manière en général.

Une fois de plus il tient ici la totalité des instruments; claviers, guitares, saxo, accordéon, basse, percussions, batterie (sauf pour quatre plages, avec un minimum syndical de la part de son comparse Paul Dzendzel). Les parties de piano, en véritable fil rouge du disque, sont magnifiques de bout en bout, mais apparaissent trop souvent comme le seul élément soutenant la voix.Tout est en place, joué certes avec feeling, mais arrangé avec une telle parcimonie, pour ne pas dire absence, qu’on s’en retrouve ni emporté, ni surpris. Pour le coup, n’est pas Peter Hammill qui veut… C’est que chaque chanson choisie n’échappe jamais vraiment au couplet-refrain, pour des développements la plupart du temps prévisibles. La section rythmique (c’est là la limite du tout pris en charge) est neurasthénique, se contentant le plus souvent de marquer la pulsation. Très gênant d’écrire ainsi lorsqu’il s’agit d’aborder un artiste qu’on admire…On attend patiemment d’abord que quelque chose décolle, mais bien vite le constat plutôt amer s’impose: on s’ennuie, d’autant que le tempo ne varie presque jamais, invariablement lent… Quelques morceaux, en plus des deux premiers, sortent tout de même du lot, comme « Digital » par exemple, ou le très Van Der Graaf « All For Nothing », mais la sensation d’uniformité l’emporte malgré tout, les morceaux se ressemblant trop souvent. De plus, lorsque le contraste s’annonce, c’est pour délivrer une tentative aux senteurs particulièrements naïves et commerciales (« Stuff In The Bag » , ou « Hey For The Dance » qui achève l’album sur un shuffle blues très incongru). Un dernier point : ce disque est court, avec une quarantaine de minutes, renforçant encore l’idée d’inachevé…

Sans doute Matthew Parmenter a-t-il voulu ici se démarquer, même si maladroitement, du prog hautement frappant et inspiré de son groupe, qui, on le souhaite très vivement, perdurera encore (ce disque en serait-il le signe au final?), peut-être aussi l’a-t-il fait dans le but de donner matière à des concerts solo, auxquels la musique de cet album se prêtera certainement. C’est tout le mal qu’on lui souhaite. Espérons surtout qu’à l’avenir il saura retrouver la très haute qualité de ses albums passés…