No-Man - Mixtaped

Sorti le: 02/03/2010

Par Christophe Gigon

Label: Kscope

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Ce titre désuet de ce premier DVD (en plus de vingt ans de carrière) s’explique par l’importance qu’ont pu revêtir les supports analogiques à leurs début. Le groupe est formé au crépuscule des années quatre-vingts par le tout juste pubère Steven Wilson et le chanteur déjà confirmé Tim Bowness (alors affublé d’une tignasse que même David Lee Roth n’aurait jamais eu le cran d’arborer.) Le duo était alors complété par un violoniste et un guitariste, et le père Wilson siégeait discrètement derrière ses claviers, même s’il s’était déjà octroyé les rôles de principal compositeur, arrangeur et producteur. La carrière de ce groupe parfaitement original, qui, avec l’aide de ses premières cassettes démos et E.P., commençait à connaître un certain succès – un journaliste de renom avait même affirmé que le Royaume-Uni tenait là ses nouveaux Smiths, rien de moins ! – a vu son audience décroître quand le maître de cérémonie a décidé de monter un « petit » projet parallèle pour s’amuser : Porcupine Tree.

La musique que proposait alors le quatuor n’a cessé d’évoluer, passant d’une sorte de pop électronique à une musique nettement trip hop, pour finalement s’établir sur des terrains plus progressifs, très proches des climats générés par Blackfield, demi-frère de No-Man. L’histoire de ce groupe anglais, passionnante et pleine de rebondissements, est d’ailleurs magnifiquement contée dans un superbe documentaire de près de quatre-vingt-dix minutes qui constitue l’essentiel du second disque. Ce travail, fruit du réalisateur Richard Smith, vaut à lui seul l’achat de cet objet tant celui-ci s’impose d’emblée comme un moment d’anthologie, qui le distingue de la masse des piètres « rockumentaires » vaguement potaches qui remplissent à l’envi les boni paresseux de trop nombreuses productions musicales. Les clips, petits bijoux esthétiques et romantiques, s’ils ne sont probablement jamais passés sur MTV, valent réellement le détour.

Ce concert intimiste enregistré durant l’été 2008 à Londres, dans une salle cossue, a bénéficié du net regain d’intérêt apporté au groupe depuis le succès planétaire de son mentor. En effet, il ne faut pas oublier que No-Man reste avant tout le premier projet de Steven Wilson, celui auquel il croyait et qui n’a jamais été si proche d’atteindre le grand public qu’en 1996, avec le très efficace Wild Opera, disque qui a convaincu Fish de prendre le jeune chevelu aux pieds nus comme producteur pour le magistral Sunsets on Empires. Faut-il ajouter que la même année sortait Signify de Porcupine Tree ? Ceci expliquant cela, No-Man ne verra dès lors presque plus son géniteur, celui-ci ayant quitté le nid conjugal pour s’acoquiner avec une autre femme, moins sensuelle mais nettement plus facile. Tim Bowness et sa voix d’ange n’auront donc plus que les yeux pour pleurer, même si le mari volage reviendra souvent à la maison. Cependant, entre Porcupine Tree, Blackfield et ses multiples travaux de production et de remastérisation, celui-ci ne pourra plus vraiment porter à bout de bras ce premier enfant, qui n’a jamais véritablement réussi à s’affranchir de sa trop lourde tutelle.

C’est peut-être pour se faire pardonner ce lâche abandon que le désormais solide quadragénaire a tenu à monter sur les planches avec Tim (seul rescapé du line-up original) et d’autres musiciens de pointe, afin de prouver que la musique si pure et cristalline de No-Man – à mille lieues des atours metal un peu patauds de Porcupine Tree depuis quelques temps – passait allégrement la rampe de la scène. Et avec quelle classe. ! Comment Steven Wilson peut-il encore avoir la prétention de chanter lorsqu’il entend l’organe doré à l’or fin de son frêle et timide acolyte de plus de vingt ans ? Certes, le tout apparaît comme bien discret, la faute au peu de concerts donnés par le groupe depuis sa formation. Mais saluons l’entreprise audacieuse d’avoir passablement réarrangé les titres les plus éthérés afin de leur donner un relief plus rock, métamorphose indispensable pour ne pas rendre narcoleptique l’auditoire garni. Si le Maestro trône au centre de la scène, sa célèbre PRS en bandoulière, c’est bien de la musique de No-Man et, surtout, de la rare alchimie de la guitare planante de l’un et du chant tout en retenue de l’autre, que naît la magie de cette représentation sans prétention. Il est aujourd’hui temps de rendre à César…