Savoldelli / Sharp - Protoplasmic

Sorti le: 19/08/2009

Par Jérémy Bernadou

Label: Moonjune Records

Site:

Impressionné par le premier album en solo du chanteur italien Boris Savoldelli, le multi-instrumentiste et figure majeure de l’avant-garde Elliott Sharp décide d’inviter ce dernier pour un duo à la salle new-yorkaise The Stone, fief de John Zorn. Protoplasmic a été enregistré la veille du concert dans le studio de l’Américain. Le matériel, totalement improvisé et sans overdub, ne laisse rien au hasard, notamment grâce à des choix stylistiques précis et particuliers.

Boris Savoldelli agrémente son chant d’effets électroniques « à la volée », et utilise sa voix à la manière d’un véritable instrument. Expérimentale au possible, cette démarche n’est pas sans rappeler les productions de Demetrio Stratos, à l’instar de « Noises in My Head » où la Transalpin met en valeur sa tessiture très étendue et dont les guitares, saxophone et autres apports électroniques de son camarade permettent à ces titres protéiformes de gagner en intensité.

L’instrumentation plutôt inhabituelle présente des sonorités jusque-là inédites. L’interprétation impromptue renforce en outre l’aspect organique de l’ensemble : les nuances sont bien présentes et le rendu est suffisamment varié pour garder l’attention de l’auditeur au cours des dix plages. A cheval entre musique électroacoustique et free jazz, la spontanéité et la façon d’aborder le matériau sonore ont de quoi séduire.

Il ne faut en revanche pas se méprendre, les titres les plus abscons (« Reflective Mind » par exemple) restent axés sur la performance. Si la dextérité est palpable voire tout à fait saisissante, le propos semble parfois trop abstrait et diffus. Ce sont alors les morceaux les moins denses qui suscitent le plus d’intérêt, au regard de « Nostalghia » et de ses voix « évaporées » qui démontre une réelle inspiration.

L’homogénéité du disque surprend devant de telles expérimentations au niveau de la voix et du traitement sonore en temps réel qui se démarquent du lot, la faute à une orientation souvent jusqu’au-boutiste dans le genre. L’expérience de ce binôme prouve qu’une telle ambition peut fonctionner : ce façonnage en « direct » parle bien plus que d’autres essais électroacoustiques plus alléchants sur le papier qu’à l’écoute.