Bernd Alois Zimmermann - Canto di speranza

Sorti le: 26/02/2009

Par Jérémy Bernadou

Label: ECM

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Ce compositeur allemand est l’une des figures les plus importantes de la musique contemporaine, tout simplement ! Il commence à se faire connaître dans les années cinquante, époque en pleine frénésie atonale, comme le prouvent la radicalisme de certaines œuvres de Boulez, Stockhausen et consorts. Zimmermann se pose là, mais continue à explorer une grande diversité de styles, refusant à appartenir à une école particulière. Il a débuté grâce à des œuvres néo-classiques, et s’avère très influencé par l’aspect baroque qu’il cultive même dans ses pièces les plus contemporaines. C’était également un amateur de collages musicaux, en témoigne « Les Soupers du roi Ubu », entièrement composé à partir d’autres œuvres très connues pour la plupart, pour un résultat assez subjuguant. Bref, Zimmermann tient à rester indépendant et original, sans pour autant manquer d’âme : son opéra sombre et violent « Les Soldats » le prouve, son opus le plus connu, aux côtés du « Requiem pour un jeune poète ».

Parmi les trois titres présents sur ce disque enregistré en 2005, deux œuvres concertantes écrites à la même période font apparaître un Zimmermann jeune et déjà en pleine maturité de composition, après avoir pris du recul face au dodécaphonisme sériel de rigueur chez cette avant-garde. Avec le « Concerto pour violon (1950) », il livre une partition personnelle et éclatante : l’orchestration riche, presque luxuriante, tranche avec la noirceur qu’on lui connaît. Quinze ans après le « Concerto à la mémoire d’un Ange » de Berg, Zimmermann montre qu’il est possible de proposer une facette différente dans le domaine des concertos pour violons sériels, d’autant plus que cette œuvre reste très accrocheuse : les influences du jazz et de Stravinsky sont perceptibles, et la deuxième moitié du second mouvement, toute en retenue, est un véritable bijou. Malgré tout, c’est la cantate pour violoncelle et petit orchestre, « Canto di speranza », qui reste la pièce la plus marquante de l’album. Du haut de ses dix-sept minutes, tous les éléments qui font la variété de Zimmermann sont présents : à la fois noir et feutré, jamais grandiloquent, le résultat est de très haute volée. Rajoutez au tableau une direction sans faille de Heinz Holliger accompagné de l’orchestre symphonique de Cologne, tout en retenue sur cette œuvre au regard de sa technicité.

La dernière pièce plus tardive, commandée par la ville de Kiel, pour les Jeux Olympiques de 1972, est d’un tout autre style : composée pour deux récitants, basse et orchestre, elle met en relation des extraits bibliques de « L’Ecclésiaste » et le « Grand Inquisiteur » de Dostoïevski (en allemand). De plus, l’effectif de l’orchestre compte une guitare électrique qui détient un rôle étonnant mais essentiel. Malgré le soin constant apporté à l’orchestration et la grande expressivité des récitants oscillant entre cris et chuchotements, l’œuvre est bien plus aride que les deux autres. Les interventions des percussions et des cuivres sont le fruit d’une expérimentation poussée, mais l’orchestre s’efface trop fréquemment au profit de la narration… Ainsi apparaissent de nombreuses longueurs, et il est difficile de ne pas décrocher, notamment lors de la longue partie vocale débutant une demi-heure après le début des hostilités. Les nombreux silences ne font qu’accentuer le côté dépouillé de l’œuvre qui reste de premier plan par sa signification : le compositeur se suicidera cinq jours après avoir bouclé la pièce. Bref, les ECM New Series restent fidèles à leur qualité avec une sortie idéale pour faire découvrir aux intéressés l’univers personnel et particulier de Bernd Alois Zimmermann. Une autre façon de voir la musique contemporaine.