Bérangère Maximin - Tant que les heures passent

Sorti le: 26/11/2008

Par Jérémy Bernadou

Label: Tzadik / Orkhestra

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La musique électroacoustique a toujours du mal à assumer son statut bicéphale : trop formelle pour les amateurs d’expérimentations, trop abstraite pour les aficionados des musiques savantes plus « balisées ». Depuis les débuts d’un genre qui a fait couler beaucoup d’encre – on pense à l’arrivée de la musique concrète avec Pierre Schaeffer et Pierre Henry – de nouvelles directions ont été prises. Ainsi, certains ont choisi de favoriser le rendu musical aux théories inintelligibles qui pouvaient devenir systématiques. Puis l’électro et le jazz sont passés par là, diversifiant encore plus le vocabulaire à disposition du compositeur : le clivage se fait moins important.

John Zorn signe désormais sur son label Tzadik des compositeurs plus « institutionnalisés », sortant tout droit des classes de composition. Bérangère Maximin est l’une deux, ayant étudié la musique électroacoustique avec Denis Dufour au conservatoire de Perpignan. Ce disque regroupe plusieurs de ses œuvres, crées au cours de ces dernières années.

Immersif, Tant que les heures passent fait tour à tour se côtoyer divers bruitages : chants d’oiseaux, bruits naturels, etc. Attention toutefois, on est loin de tentatives anti-musicales à visées relaxantes : le travail est perceptible en permanence, et l’auditeur est loin d’être caressé dans le sens du poil, en témoigne le classique mais néanmoins torturé « Si ce n’est toi » qui montre ce que la demoiselle sait faire de mieux. L’ensemble s’apparente à un univers faussement familier, car couplé avec de nombreux effets minimalistes répétés inlassablement d’après un schéma prédéfini. Le rythme s’efface devant l’action proprement dite, mettant ainsi en valeur les changements des cellules sonores – difficile de parler de « mélodie » ici – qui se développent au fil des minutes.

Ainsi, « Boudmo » présente une suite de broderies autour de bruits d’écoulement d’eau (ce n’est pas pour rien qu’il est précisé que le titre a été enregistré dans une salle de bains !) renforcés par une petite mécanique obsessive. Ceci dit, les ambiances mettent parfois longtemps à se mettre en place, notamment sur la première et la dernière plage qui prennent pourtant bien leur envol, en témoigne le déchaînement des percussions dans la deuxième moitié de « La mécanique des ombres ». La compositrice prend également un rôle d’oratrice sur « Ce corps vil, Part One And Two » jouant, de déclamations en déclamations, à nous faire voyager plus bas que terre, au travers d’une description sinistre et schizophrénique ; on pense alors aux œuvres d’Alvin Lucier. Le texte est d’autant plus puissant que l’accompagnement s’adapte à l’ensemble : lorsque Bérangère Maximin lance « La lumière est si désagréable ici, ça me fait tourner la tête » suivi d’une bande sonore aussi déstabilisante que la phrase qui la précède, il y a de quoi perdre tous nos repères.

Malgré tout, une chose est sûre : l’ensemble est très varié, faisant par exemple se succéder ce type d’atmosphère dérangeante à un jingle de trois minutes réalisé pour une radio de musique world (« Voyages morphologiques »). Autant d’audaces maîtrisées qui font de cet album une bonne surprise, à mettre entre des mains curieuses et / ou averties.