The Remote Viewers - Control Room

Sorti le: 24/07/2008

Par Christophe Manhès

Label: ReR Megacorp

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Pour un morceau, c’est morceau : 3h40 de musique, cinq disques et un tirage limité à deux-cent exemplaires. Les collectionneurs d’objets improbables devraient apprécier. Mais il ne devrait pas y en avoir beaucoup d’autres car, tant qu’à être dans la foucade underground, The Remote Viewers a poussé la logique jusqu’au bout en concevant Control Room comme un amas d’expérimentations free-jazz enveloppées de sons electro minimalistes. Disons-le, un temps, votre serviteur a pensé à se proposer pour la Légion d’Honneur pour le courage exceptionnel dont il a fait preuve dans l’exercice de son activité, non rémunérée, faut-il le préciser…

Improbable, ce Control Room est le fruit de l’outrecuidance d’un seul homme, David Petts, qui en a composé les quatre cinquièmes, le reste — le CD 5, Situations — étant dévolu au saxophoniste Hadrien Northover pour un exercice d’improvisation solo et d’overdub qui en éprouvera plus d’un. Une des idées de l’album, c’est de faire correspondre chaque CD à un groupe d’interprètes différent, ce qui est pratique si vous souhaitez zapper l’un d’entre eux pour cause de différent artistique, mais gênant si l’on juge la disparité formelle qui en résulte ! Impossible donc de décrire dans le détail cet antre morne et béant dans lequel circule, comme un mauvais courant d’air, le bon, le moins bon, le froid, le tiède, beaucoup de vide et quelques rares éclats. Il faudra notamment attendre le quatrième CD — le nommé Fiction Department — pour entendre enfin la voix magnifique de Louise Petts réchauffer le son très cheap de l’ensemble.

Sur ce CD qui sauve l’honneur, se télescopent en effet quelques bonnes idées rappelant le travail d’une artiste comme Laurie Anderson (c’était tout de même il y a 25 ans !) ou les hardiesses vocales de l’Italienne Donella Del Monaco dans Opus Avantra. Sinon, pour vibrer encore un peu, il vous faudra sûrement écouter attentivement le premier CD, October Rush, et être docilement pour vous laisser séduire par cette très longue composition somnambulesque faite de chorus jazz et de chuintements électroniques. Toutefois, mise en regard d’un album aussi réussi que L’homme approximatif de Daniel Palomo Vinuesa, cette composition fait pale figure, surtout ramenée au contexte de modernité dans laquelle elle a visiblement la prétention de s’inscrire. Enfin, au registre des doléances inscrivons également des mélanges contre-nature auxquels The Remote Viewers n’essaie même pas de donner le vernis de crédibilité nécessaire. Par exemple ces fonds de batterie robotiques au son calamiteux qu’il associe aussi bien à la sensualité vocale de Louise Petts qu’au souffle rude du saxo.

Ces 5 CD ronflants auraient pu tenir sur deux. Et encore. Mais ce qui est agaçant avec l’art contemporain, c’est qu’il vous prend de haut, comme cet album de The Remote Viewers qui, dans l’expérimentation finalement, recule plus qu’il n’avance. La modernité a parfois bon dos. Le monde de la musique, quant à lui, devrait oublier très vite cet essai amphigourique où le mauvais goût se dispute avec un travail de qualité beaucoup trop inégal pour être marquant.