The Tangent - A place in the queue

Sorti le: 13/02/2006

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: InsideOut Music

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Depuis son emménagement sur les terres de France et de Navarre, Andy Tillison a vu se produire quelques changements dans son projet fétiche, qui ressemble de plus en plus à un groupe. The Tangent a en effet vu le départ de David Jackson après le premier album pour des raisons « Van der Graafiennes » ; Theo Travis lui avait succédé à l’époque.
Pour A Place in the Queue, Andy Tillison a cette fois dû faire face aux départs simultanés des deux membres des Flower Kings que sont Roine Stolt et Zoltan Csorsz. Ce dernier a d’ailleurs été remplacé par un ex-roi des fleurs, en la personne de Jaime Salazar, tandis que Krister Jonsson a l’insigne honneur d’occuper la place laissée vacante par Roine Stolt.

The World That We Drive Through, précédent disque du groupe, avait suscités de nombreuses frustrations, d’ailleurs exprimés dans nos colonnes. Qu’en est-il de A Place in the Queue ? Certes, The Tangent ne va pas révolutionner la planète progressive, et ce n’est d’ailleurs pas ce que recherche Andy Tillison. L’influence des années soixante-dix est toujours prépondérante (comme en témoigne le son des claviers), mais la variété des compositions qui se dégage de cet album n’existait pas avec tant de force sur les deux précédentes parutions. Dans un creuset fortement canterburien se mélangent allégrement progressif symphonique à la Flower Kings, jazz et breaks dissonants, le tout s’enchaînant de manière très naturelle.

Tillison semble avoir voulu s’inspirer du Tales from Topographic Oceans de Yes. «S’inspirer» s’entend ici dans le fait d’écrire un double album, d’une durée habituelle pour les années soixante-dix, composé de longues pièces de musique.
En fait, A Place in the Queue ne ressemble pas à du tout au Yes de 1974, à l’exception peut-être de « GPS Culture » et bien sûr, de la superbe pochette à la Roger Dean.

L’intérêt principal de l’album réside en deux pièces maîtresses, « In Earnest » et « A Place in the Queue », au cours desquelles l’auditeur est plongé dans des ambiances multiples et très travaillées. Le titre éponyme en particulier, de par son thème et ses inflexions très « Van der Graafiennes », est l’une des meilleures pièces long format produites ces dernières années par un groupe de progressif dit « classique ». Le travail de Theo Travis y est superlatif (NdR : rhââââ ! Ce solo de saxophone !). Le reste de l’album – soient les trente-trois minutes restantes – est un peu plus inégal, allant du très bon (« Follow Your Leaders », sonnant comme un « mix » de tout l’album en neuf minutes) au très dispensable (le disco « The Sun in My Eyes »).

Autre petit bémol : le travail vocal. La voix paraît souvent lissée, surtout en regard de l’extraordinaire foisonnement des autres instruments. Est-ce un choix de production ? Quoi qu’il en soit, elle manque quelque peu de caractère, même si cela ne remet pas en cause le plaisir que l’on éprouve à écouter l’album.
A Place in the Queue est donc l’album le plus travaillé et le plus réussi de The Tangent. Ce qui est en passe de devenir un véritable groupe s’éloigne de la trop pesante influence des Flower Kings pour s’émanciper et embrasser des variétés nouvelles de langage musical, en particulier une relecture intéressante du style de Canterbury. Les auditeurs déçus par les dernières parutions des Flower Kings, de Kaipa ou même de Transatlantic devraient enfin pouvoir se régaler de cet album tout en finesse, même s’il n’est pas exempt de tout défaut.