Origine : Suède
Style : Death progressif
Formé en : 1990
Line-up: Mikael Åkerfeldt (guitare, chant), Martin Mendez (basse), Martin Lopez (batterie), Peter Lindgren (guitare)
Dernier album : Deliverance (2002)

Opeth vient de sortir Deliverance, un album sombre et death particulier que nous chroniquons dans nos pages. Nous avons voulu en savoir plus en interrogeant Mikael Åkerfeldt, chanteur et compositeur du groupe, qui nous fait quelques révélations.

Progressia : Tout d’abord, un an après la sortie de Blackwater Park, pourrais-tu nous faire un petit bilan : quel a été l’accueil des fans, des critiques, comment s’est passé cette tournée de manière générale ?
Mikael Åkerfeldt :
Tout s’est plutôt bien passé. Blackwater Park s’est beaucoup plus vendu que nos précédents albums et nous avons eu droit à un plus grand intérêt de la part de la presse spécialisée. C’était également la première fois que nous réalisions une véritable tournée. Nous avons changé de maison de disques (Music for Nations), et les critiques ont été beaucoup plus élogieuses que par le passé. Cet album est définitivement notre plus grand succès.

Il est vrai que je n’ai lu que de bons articles sur ce disque.
Depuis les débuts du groupe, nous avons toujours eu de très mauvaises critiques. Peut-être l’avons-nous mérité quelques fois (rires). Je suis très content de l’accueil de Blackwater Park, car je commençais à douter de nous (rires).

Etes-vous content du travail de Steven Wilson (Porcupine Tree) sur cet album ?
Oh oui, vraiment ! C’était la première fois que l’on travaillait avec lui, et j’avoue que Steven a toujours était mon idole. Collaborer avec lui s’est révélé génial dans tous les sens du terme ; il a fait un boulot magnifique. C’est pourquoi nous lui avons demandé de s’occuper de Deliverance et de Damnation.

Tu as sûrement du écouter In Absentia, son dernier album. Lorsque j’ai entendu « Blackest eyes » pour la première fois, j’ai tout de suite pensé à Opeth.
C’est vrai, j’y ai aussi pensé. Steve s’est mis à écouter beaucoup de metal ces derniers temps, et il est impressionné à chaque fois qu’il voit un groupe jouer. Il me fait penser à un enfant dans une confiserie (rires). Ce style l’influence beaucoup et je crois que le son de Porcupine Tree va aller dans ce sens.

Comment êtes-vous entrés en contact avec lui ?
En fait c’est un journaliste français, Olivier Badin (NdR : confrère de Hard n’ Heavy), un ami de longue date, qui m’a permis de le rencontrer. Il était en train de réaliser une interview avec Steven et lui a fait écouter des versions promo de plusieurs albums, dont un d’Opeth. Et quelques temps plus tard, j’ai reçu un e-mail de Steven me disant qu’il avait notre album entre les mains et qu’il l’adorait !

Tu étais déjà fan de Porcupine Tree à l’époque ?
Oui ! Je les suis de près depuis 1996, et l’avoir au téléphone, c’était comme recevoir un coup de fil de Dieu ! (rires).

D’où vous est venue l’idée d’enregistrer deux albums, l’un dans un registre death métal et l’autre dans un style plus calme ?
Etant donné l’accueil de notre dernier album, il était clair que l’on n’attendait de nous un deuxième Blackwater Park, et surtout que l’on profite du succès de cet album. Mais après cinq disques, nous avions envie de surprendre un peu et de faire quelque chose de différent. Ma première idée était donc d’enregistrer un album de death super heavy (rires), mais j’adore tellement composer des parties acoustiques plus calmes qu’il m’était trop difficile de toutes les jeter à la poubelle. C’est mon ami Jonas, de Katatonia, qui nous a donné l’idée de sortir deux albums. Music for Nations n’était pas très chaud au début, car ce genre de doubles sorties peut créer beaucoup de problèmes, plus particulièrement dans le cas de Deliverance et Damnation qui sont deux disques vraiment différents. Mais ils se sont peu à peu faits à cette idée.

A quoi doit-on s’attendre pour Damnation ? Les titres seront-ils dans la même veine que les deux morceaux de la version limitée de Blackwater Park (deux guitares acoustiques + chant clair) ?
Je crois que les auditeurs ne reconnaîtront peut-être pas le groupe. C’est vraiment très différent, et assez éloigné de ce que l’on a pu faire auparavant. Ce sera beaucoup plus riche. On a notamment enregistré pas mal de claviers, du mellotron, ce genre de chose… J’adore ces trucs là ! (rires) Cela sonnera plutôt comme un album oublié depuis 1971, assez  » vieux  » mais aussi original. Je ne saurais pas trop comment décrire la musique, je pense qu’il te faudra l’écouter pour voir de quoi je veux parler. Ne sois pas effrayé, mais je dirais que ça ressemble un peu au groupe Air (rires), sans être pour autant aussi « pop ». C’est vraiment beaucoup plus sombre.

Comment s’est déroulé l’enregistrement, et comment Opeth aborde-t-il le processus de composition ?
C’était un véritable enfer ! (rires) Nous avons commencé par enregistrer dans un vieux studio de Göteborg, là où nous avions enregistré Still Life (NdJ : quatrième album du groupe). Mais cette fois-ci, nous n’avions pas d’ingénieur du son, et nous avons dû faire entièrement confiance à nos oreilles, alors que nous n’y connaissons absolument rien en matière d’enregistrement. Le propriétaire du studio n’était pas vraiment très compétent non plus, et je commençais à me dire que Deliverance ne serait jamais prêt. J’étais à deux doigts de fondre en larmes chaque jour passé dans ce studio (rires). Ce mec était si nul (rires). Puis quand Steven est arrivé, nous avons pu terminer l’enregistrement aux studios Fredman (NdJ : studios de Fredrik Nordstrom, producteur de death culte, ayant entre autres à son actif des albums de In Flames, Dimmu Borgir, At The Gates, Arch Enemy, etc…).

C’est de là que vient le titre « Deliverance » ? (rires)
Oui, tu as raison, j’y ai aussi pensé à ce moment là. Ce titre à réellement un double sens (rires) ! Quand nous avons commencé le travail aux studios Fredman, nous craignions que les bandes soient vides ! (rires). Mais tout s’est finalement bien passé. Steven, Fredrik et Andy Sneap ont fait un travail remarquable. Tu verras, sur les crédits de l’album, nous avons mis  » Steven Wilson le sauveur  » ou d’autres choses du même genre (rires) ! Je suis en fait assez content du résultat, car j’ai bien cru pendant un moment qu’il n’y aurait pas d’album. Concernant le processus de composition, je dois dire qu’il nous a pris pas mal de temps. J’ai commencé à écrire durant notre dernière tournée américaine, en enregistrant sur un petit huit pistes, mais je ne pouvais mettre en boite que 8 minutes à chaque fois, et j’étais donc obligé de couper mes morceaux en plusieurs parties, étant donné qu’ils dépassent tous la dizaine de minutes. Quand nous sommes entrés en studio, les morceaux n’étaient pas tous terminés. C’était assez dur, on enregistrait les parties batterie dans la journée, puis je continuais à écrire le reste la nuit. Au final, nous n’avons pu répéter les deux albums qu’une seule fois et nous étions loin de les connaître parfaitement ! Mais je trouve que c’est une manière de travailler très intéressante. Composer en studio te permet de rester concentré, alors qu’à la maison il y a le téléphone, internet, la Playstation (rires).

Au final, tu es donc content du résultat ?
Oh oui, absolument (rires) !

Outre Porcupine Tree, j’ai également ressenti pas mal d’influences de Morbid Angel sur Deliverance. C’était quelque chose de prémédité ? Morbid Angel est un groupe qui vous ressemble beaucoup dans son approche de la musique…
Oui, tu as tout à fait raison. Ces clins d’œil sur « Wreath » et « Master’s Apprentices » sont totalement délibérés. Morbid Angel est un de mes groupes préférés et peut-être le meilleur groupe de death metal de tous les temps. Quand j’ai composé ces riffs à la guitare, je me suis dis « ça sonne vraiment comme Morbid Angel. Et puis merde ! ça me plait ! » (rires). Nous avons voulu, à notre manière, rendre hommage à la musique de Trey (Azaghtoth, le guitariste/compositeur), mais je pense que ces riffs gardent tout de même l’esprit de notre musique.

En cherchant un peu, j’ai pu trouver de nombreux bootlegs sur le net, et vos prestations scéniques semblent toujours impressionnantes et pleines d’énergie. Pensez-vous enregistrer un live officiel ?
Pour tout te dire, je n’aime pas les lives officiels, avec tous ces overdubs, ces parties réenregistrées. Je préfère nettement le son d’un pirate, qui retranscrira beaucoup mieux l’énergie d’un concert. Tu captes réellement l’essence du show, alors qu’en enregistrant un vrai live, tu créés encore un « produit ». Donc ce n’est vraiment pas au programme pour le moment !

Progressia est un magazine « progressif ». Nous définissons comme « progressif » un groupe qui n’a pas peur de dépasser ses limites, de se détacher d’un style, et qui ne rechigne pas à un peu d’expérimentation. Tout cela n’est pas uniquement basé sur la technique des musiciens et la longueur des morceaux. Au vu de cette définition, qualifierais-tu la musique d’Opeth de « progressive » ?
Dans ce sens oui, Opeth est un groupe progressif. Je dirais même « progressiste », car nous essayons toujours d’apporter quelque chose de nouveau à notre musique, en cherchant à ne pas nous répéter. Je pense qu’avoir enregistré un album comme Damnation, alors que nous sommes un groupe de death metal, est vraiment ce que l’on peut appeler « repousser ses limites ». Porcupine Tree le fait également, Radiohead aussi.

Ce n’est donc vraiment pas dans le but d’essayer de toucher un auditoire plus large que vous avez enregistré Damnation. Il est vrai que ton style de voix « death » peut en rebuter plus d’un, et d’un autre côté, cet album risque de sonner bizarrement pour les fans de death metal…
J’aime à penser que les fans d’Opeth sont très ouverts d’esprit, et cette facette de notre musique a toujours était là, c’est elle qui fait notre singularité. Il est vrai que Damnation risque de dérouter une partie de nos fans, mais c’est un risque que je n’ai pas peur de prendre car j’ai horreur que la partie soit facile. Ça ne me dérangerait pas non plus d’enregistrer un album que tout le monde déteste, mais qui, quinze ans plus tard, deviendra une référence (rires) ! Il est aussi certain que le chant death ne nous permet pas de toucher tout le public que nous pourrions avoir, mais qu’importe. Cela fait partie de nos racines et de la musique que nous aimons, et ce n’est pas près de changer. En laissant ce type de chant de côté, on perdrait une partie de notre intégrité, et également de notre originalité.

A chaque nouvel album que vous sortez, je me dis que c’est celui-là le meilleur. Penses-tu pouvoir encore évoluer pour le prochain, et quelles sont éventuellement les directions que tu penses prendre plus tard ?
C’est une question très difficile ! Pour tout t’avouer, il m’arrive d’être fatigué de la musique, voir même de la détester ! La seule chose que je sais, c’est que nous allons faire un petit break. Nous allons bien évidemment tourner pour promouvoir Deliverance et Damnation, c’est une grosse sortie pour nous et nous allons bien nous occuper de la promo et de ce genre de choses. Nous serons PARTOUT (rires) ! J’ai cependant envie de faire autre chose que de la musique. Ou alors quelque chose de différent. Il est prévu que Steven Wilson et moi-même nous lancions dans un projet commun, mais je ne sais pas encore dans quelle direction nous allons partir (rires). Il lui reste des morceaux qui n’ont pas plu aux autres membres de son groupe car ils étaient un peu trop « heavy », et qui ne figurent donc pas sur In Absentia. Il y en a en particulier un que j’adore et qui reste mon titre préféré de Porcupine Tree. Mais bon, je ne sais pas encore vraiment comment tout cela va sonner, mais du moment que je fais quelque chose avec Steven (rires) !

Tu penses-donc tourner tout de même un peu. Y-aurait-il déjà quelque chose prévu ?
Rien n’est encore décidé, mais il est probable que nous tournions aux Etats-Unis en compagnie de Porcupine Tree. On a déjà deux dates bookées en Californie. Rien n’est prévu en ce qui concerne l’Europe, mais nous essayerons de tourner un peu plus en France.

Quels groupes écoutes-tu en ce moment ? Ont-ils une influence sur la musique de Opeth ?
En ce moment je suis à fond dans un groupe de prog excellent dont le chanteur me donne des frissons : c’est Ark. J’adore la voix de Lande, en partie parce qu’elle me fait penser à celle de David Coverdale. Je les trouve géniaux, et je n’arrête pas d’écouter leur dernier album, Burn The Sun. Sinon j’ai découvert un autre groupe suédois vraiment pas mal, qui s’appelle Pathoss. Leur dernier album, Time Lost, vient juste de sortir et il est absolument fantastique ! Si tu peux mettre la main dessus, tu seras un homme heureux (rires) ! A part ça, les choses habituelles : Porcupine Tree et Morbid Angel (rires), Camel, les Beatles, etc..

Tu écoutes finalement très peu de metal !
Oui, tu as raison. J’attends vraiment quelque chose de nouveau de la part de la scène metal. Je suis impatient d’écouter le prochain album de Katatonia. J’adore aussi Tool, mais de manière générale je ne cherche pas la perle rare. Il faut toujours que quelqu’un me dise « écoute ça » pour que j’y prête attention. Je vais donc continuer à écouter mes vieux disques.