Solstafir / Katatonia

19/02/2023

Le Trianon - Paris

Par Florent Canepa

Photos: Christian Arnault

Site du groupe : https://katatonia.com/

Setlist :

Solstafir : Náttmál / Köld / Melrakkablús / Bloodsoaked Velvet / Rökkur / Fjara / Ótta / Goddess of the Ages Katatonia : Austerity / Colossal Shade / Lethean / Deliberation / Birds / Behind the Blood / Forsaker / Opaline / Buildings / My Twin / Atrium / Old Heart Falls / Untrodden / July / Evidence

1ère partie : Solstafir

2nde partie : Katatonia

Les confinements et autres limitations du monde du spectacle ont conduit l’année 2023 à être l’année des reliquats et parfois même des réinventions, ce qui est le cas pour Katatonia qui a sorti un nouvel album, le très réussi « Sky Void of Stars » dans l’intervalle et a donc du adapter sa tournée. Direction Le Trianon, une des plus belles salles de taille moyenne de Paris – il faut bien l’avouer – avec dorures et balcons et une acoustique sans faille.

Som fait office d’amuse-bouche pour cette soirée qui tient plus de la double affiche qu’autre chose, les Islandais de Solstafir ayant leur légitime parterre de fans. Som se veut shoegaze, planant et mordant à la fois mais il n’arrive en réalité ni à l’un, ni à l’autre. C’est dimanche, on baille gentiment en attendant impatiemment la suite. Pauvre scéniquement, le groupe fait ce qu’il peut et ce malgré un chanteur qui décide d’en faire peut-être un peu plus que les autres. Som, en somme, est une porte vers le sommeil. N’est pas Alcest qui veut.

Heureusement, la dégaine néo-western des Hommes venus du froid vient casser la léthargie. Malgré la barrière de la langue, Solstafir sait toujours installer une ambiance et possède surtout un son qui lui est propre, un post-rock synonyme de déchirement. Dès la première offrande, « Náttmál », issu de l’adoubé Otta, le versant tribal, fait mouche. Quand le propos est un peu plus long comme sur « Köld », au tempo malade (de l’album du même titre), on frise l’ennui mais ce n’est que de courte durée. Car Solstafir, malgré ses constructions tonales similaires entre les titres, fait en quelque sorte passer Chris Isaak au hachoir. Il y a cette mélancolie impassible qui sort tout autant des instruments que de la voix du colosse Aðalbjörn Tryggvason. Sur « Melrakkablús », on est à mi-chemin entre The Cult et Type O Negative, mais toujours avec ce son si particulier, ces guitares qui traînent, à la limite de la justesse. On a l’impression de s’enfoncer peu à peu dans une forme d’aridité chaleureuse, ce qui peut paraître assez paradoxal.

Le groupe pour l’occasion, et malgré un album assez récent, revisite sa discographie dans son ensemble, remontant même à 2005 avec le rock’n’roll « Bloodsoaked Velvet », extrait de leur deuxième album Masterpiece of Bitterness. Le regard posé sur la foule, Addi est à la fois indolent et très présent. Comme une ballade grunge, « Fjara » (la plage pour les non-natifs) laisse à voir d’autres ambiances et prouve aussi que les ritournelles mélodiques du combo sont immédiatement intégrées comme un hymne qui rentre dans la tête. Réclamé par le public, « Otta » déploie son long propos, entre douceur et douleur et donne l’occasion au chanteur d’un traditionnel bain de foule cool où les poignées de main avec le public ressemblent à un acte de chamanisme. Le dernier morceau fleuve fait une fois de plus rugir ces guitares baveuses et touchantes, cette batterie martiale et les paroles parfois hurlées qui font la signature du groupe. Un set complet et réussi pour les cow-boys polaires !

D’une noirceur à une autre : Katatonia, tout en lumière de contre, entre en scène. Auréolés d’une superbe dernière livraison, les Suédois attaquent par le titre d’ouverture de celle-ci et l’un des plus réussis de l’album (« Austerity ») qui fonctionne parfaitement en live malgré des petits réglages sonores en début de parcours. C’est ce dernier album que Katatonia est principalement venu défendre avec six titres joués ce soir là et pendant la tournée en général, soit près de la moitié du set. Cela n’empêchera bien sûr pas de regarder dans le rétroviseur, en particulier avec « Evidence » en clôture qui date de 2003 et l’album Viva Emptiness. Le reste est principalement constitué d’oeuvres récentes, concessions faites bien sûr à The Great Cold Distance, pierre angulaire quasi indétrônable du groupe, et notamment l’unique hit single « My Twin », comme le qualifie avec une pointe d’humour Jonas Renkse.

Nous avons ce soir-là affaire à un concert assez traditionnel du groupe avec deux exceptions notables : tout d’abord, la grande forme de son chanteur conteur qui communique un peu plus avec le public (cela reste bien sûr toujours laconique mais l’évolution est à souligner !), manifestement sincèrement conquis par l’accueil parisien (et le plaisir de la scène retrouvée sans doute après une longue pause). Niklas Sandin, bassiste de la formation, fera tous ses meilleurs efforts pour afficher le charisme scénique faisant parfois défaut aux autres. L’autre fait marquant est bien sûr l’absence du co-leader et guitariste Anders Nyström pour des raisons familiales et remplacé au pied levé par Nico Elgstrand (Etombed A.D.) qui avait déjà officié comme suppléant. Et là, il faut bien avouer qu’on est admiratif car il n’est pas facile de remplacer un membre éminent. Non seulement, Nico s’en sort à merveille mais apporte aussi quelque chose de différent – à la fois dans des choeurs plus assumés et dans une présence scénique affirmée. Les nouveaux titres (« Opaline » et « Birds », récemment singles en tête) démontrent la force mélodique imparable du groupe.

On regrette un show très limité comme toujours, lumières face à nous plongeant les musiciens dans un noir informe où (contrairement à Solstafir) aucune émotion ne passe par les visages et un light show relativement académique. C’est donc le sonore qui prend le pas pour nous emmener dans les affres cafardeuses du spleen katatonien. L’avant-dernier City Burials est également présent dans la setlist (après tout, c’était le sujet initial de la tournée avant report !), mais pas tant que cela, ce qui n’est pas pour déplaire au public qui semble avoir été un peu moins convaincu par cet effort discographique (« Untrodden »). Energique et précis, jamais pachydermique, riffé et racé, jamais démonstratif, Katatonia conclut un concert de bonne facture qui remplit d’une ambiance automnale l’hiver parisien.

Solstafir
Solstafir
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Katatonia
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