Profondo Scorpio - Profondo Scorpio

Sorti le: 10/03/2022

Par Jean-Philippe Haas

Label: L'étourneur

Site: https://www.facebook.com/profondoscorpio

Le cinéma bis italien a connu son heure de gloire dans les années soixante et soixante-dix, se déclinant à l’infini en surfant allègrement sur les succès du moment pour les copier à moindres frais, parfois avec un succès autant artistique que commercial : westerns, péplums, espionnage, science-fiction, horreur… De nombreux réalisateurs (comme Quentin Tarentino) ou musiciens ont rendu hommage à ce pan souvent dissimulé, mais important, du septième art. En ce qui concerne nos pages, citons La Batteria et le duo Danger Mouse & Daniele Luppi. Mais si elle est essentiellement un cinéma d’exploitation, la série B transalpine a aussi créé des genres à part entière, comme les comédies sexy, ou le giallo, film noir sanglant où l’arme blanche et l’érotisme sont quasi obligatoires.

Le genre a eu ses stars, ses réalisateurs tels Mario Bava, Dario Argento à ses débuts, Andrea Bianchi, Umberto Lenzi, Sergio Martino, ses compositeurs (Ennio Morricone, Goblin…) et il a aujourd’hui encore ses admirateurs. Contre toute attente, c’est d’un quartette originaire de Caen nommé Profondo Scorpio que vient ce vibrant hommage. La basse profonde, parfois râpeuse, de Hugues Letort et la batterie saccadée de Charles-Antoine Hurel distillent un insoutenable suspense, tandis que la trompette de Pierre Millet et le saxophone baryton de Samuel Frin dessinent la sombre trame, les desseins du tueur, la peur de la victime avec force thèmes hypnotiques ou gémissements. La tension monte, à pas de loup (« Piove su Torino », « Nudo per l’Assassino » ) ou frénétiquement (« Edwige, ma dove sei? », « Caccia Minaccia », « Domenica Papapà »). Profondo Scorpio retranscrit parfaitement les atmosphères inquiétantes et paranoïaques qui caractérisent le giallo, où tantôt la basse recouvre tout tel un linceul, tantôt éclatent, comment autant d’appels au secours, les dissonances de la trompette ou du saxophone.

Les titres ne parleront pas au novice mais seront limpides pour l’initié : « Edwige, ma dove sei? » en référence à la superbe Edwige Fenech, « Nudo per l’Assassino », clin d’œil au film Nude per l’Assassino (dans lequel d’ailleurs l’actrice a le rôle principal), jusqu’au nom même du groupe qui évoque Profondo Rosso, de Dario Argento, l’un des plus célèbres représentants du giallo dont la musique est composée par le groupe de prog’ rock Goblin.

Comme il se doit, Profondo Scoprio est édité au format 33 tours. Un support en adéquation avec l’œuvre qui comblera les adeptes du genre. On souhaite cependant que ce disque palpitant ne touchera pas seulement l’adepte du cinéma d’exploitation, mais aussi tout amateur de bon jazz-rock ténébreux.