Bent Knee - Frosting

Sorti le: 05/11/2021

Par Jean-Philippe Haas

Label: Take To This Heart Records

Site: https://bentknee.bandcamp.com

Promis au succès après sa signature chez InsideOut, Bent Knee est récemment revenu à l’autoproduction, après deux albums de très haute facture chez la maison allemande. Manque de succès ? Manque de liberté artistique ? Une question qu’il faudra leur poser à l’occasion. Quoi qu’il en soit, en écoutant Frosting, on peut se demander quelle mouche a bien pu piquer le sextet. Ce n’est pas tant qu’il ait perdu sa faculté d’innover ou revu ses ambitions à la baisse. Mais alors qu’est-ce qui dérange sur ce nouveau disque ? Si les Américains ont encore une fois mis la recherche sonore dans leur processus de composition, l’utilisation d’un des pire travers de la variété actuelle est tellement massive ici qu’on a envie de croire au clin d’œil, au second degré. Mais il faut se rendre à l’évidence : ces voix trafiquées, robotisées, « Auto-tunées » sont utilisées avec une telle décomplexion que cela ne peut être qu’intentionnel. La voix de Courtney Swain se suffit pourtant largement à elle-même, <insérer ici un juron de désespoir> ! Un vrai gâchis, à l’instar de « Invest In Breakfast » ou « Casper » qui, sous leurs faux airs de pop electro un peu sucrée, ont un vrai potentiel. « Have It All » n’avait pas plus besoin qu’on lui inflige ça en plus de ces cymbales synthétiques, propres à la pire variété rappée ou miaulée actuelle. A chaque nouvelle piste, on tremble à l’idée d’entendre l’un de ces affreux tics musicaux digne du prime time de NRJ.

Au-delà de ces insupportables clichés sonores, que reste-t-il du Bent Knee de Land Animal et de You Know What They Mean ? Paradoxalement, la volonté de ne pas stagner est toujours là, et bien là. Le groupe n’a par exemple pas renoncé à ses velléités électro et noisy : « The Upward Spiral », dissonant et sale, ou encore le plus expérimental (et nettement plus intéressant, disons-le) « Rib Woman » témoignent de cette exploration. La mélodie et l’empreinte émotionnelle restent également au centre des préoccupations, particulièrement sur des compositions lentes et dépouillées, ponctuées par le piano. Quasi ambient (« Set It Off », « The Floor is Lava ») ou avec un petit côté scandinave comme « Not This Time » et « Cake Party », ces quelques titres, de conception néanmoins plus classique, sauvent à eux seuls ce que certains d’entre nous pourraient qualifier de naufrage.

Frosting déroutera pas mal de ceux qui voyaient en Bent Knee un des avenirs possibles de l’art rock, de l’indie et du prog’ réunis. Le groupe, qui d’une certaine manière reste fidèle à sa démarche, perdra-t-il ses admirateurs de la première heure avec ce sixième disque ? Rien n’est moins sûr, finalement.