Elephant9 - Arrival Of The New Elders

Sorti le: 12/02/2021

Par CHFAB

Label: Rune Grammofon

Site: https://www.facebook.com/elephant9music/

Doit-on présenter ce trio infernal, sorti des neiges obscures de la toute vénérable Norvège (encore ?), dont le claviériste, Ståle Storløkken, ne compte plus les collaborations tous azimut depuis 1991, allant de Terje Rypdal à Motorpsycho, pour faire très court (43 albums à l’heure actuelle!), dont l’impressionnant batteur affiche au bas mot 23 collaborateurs depuis début 2000, et dont le bassiste, tout aussi affolant, officie chez Needlepoint, Big Bang, National Bank et cinq ou six autres formations… N’en jetez plus! Ce trio initié en 2008 aborde déjà ici son dixième ouvrage, studio et live confondus, après une étroite collaboration scénique avec le guitariste impressionniste psyché Reine Fiske (Landberk, Morte Macabre, Paatos, Motorpsycho, The Amazing, Dungen)… Voilà pour le pedigree.

La musique de ces trois hallucinés est d’obédience très largement jazz rock, fusion-psyché, dont les plages souvent improvisées s’avèrent particulièrement lysergiques et survitaminées. Claviers psychotropes, basse magmaïenne et batterie tentaculaire combinent hyper activité et nuance jazz. On peut donc comprendre pourquoi les adorateurs de chant et refrains n’y trouvent pas aisément leur compte, çà l’instar de ceux que les jams endiablées laissent sur le carreau. On peut même signaler, au gré de la discographie de ces éléphants (5 albums studio, 4 live) quelques baisses de régime, la fibre expérimentale et free étant peut-être trop souvent de mise, sans que parfois la sauce ne prenne totalement (Psychedelic Backfire II). Arrival Of The New Elders est ainsi annoncé comme rompant avec ce cycle live et improvisé. Une bonne nouvelle s’il en est.

Et, en effet, ce sixième album s’avère être (enfin!) un véritable travail studio, non seulement parce qu’il propose un nombre d’instruments et sons au-delà de ce qu’un trio peut jouer live (une guitare folk rythmique d’enfer sur le deuxième morceau, tenue par le bassiste en plus de sa basse, quelques percussions du batteur en plus de sa batterie, enfin quantité de nappes de clavier et enluminures astrales en plus des rythmiques et soli), mais aussi parce qu’il apparaît comme beaucoup plus écrit. Ce disque bénéficie également d’une production bien plus travaillée que sur les dernières parutions. Et la teneur n’en est que plus satisfaisante. Le son, les mélodies, les arrangements, en un mot l’ambiance, sont mis en avant, et de manière particulièrement envoûtante. Préparez-vous à traverser des zones totalement stratosphériques, d’une beauté souvent céleste et majestueuse, à la rythmique mesurée, feutrée, ou endiablée, c’est selon, le tout privilégiant l’harmonie. Et même si deux pièces tentent davantage l’expérimentation, elles ont le bon goût d’être tenues. Les nappes de synthétiseurs sont absolument extraordinaires, traversant un ciel musical déjà zébré de rythmiques Hammond ou de soli façon Moog, comme autant de navettes miraculeuses ou fulgurantes; décollage immédiat. Huit pièces superbes, d’une longueur suffisamment contenue pour que chaque vignette vous imprègne les tympans et la mémoire. C’est donc une pleine réussite.

On l’avait imaginé, espéré, attendu, presque regretté parfois, mais il est bel et bien là, cet album construit, et il rejoint directement les plus belles pages contemplatives de Finnforest, Return To Forever, Unisono, Nucleus, Perigeo et tout un pan du krautrock… Un disque à part, dont on se prend à espérer qu’il augure d’une longue suite. Dans le Top 10 direct.