Argos - Unidentified Dying Objects

Sorti le: 19/11/2018

Par CHFAB

Label: Bad Elephant Music

Site: https://argos.bandcamp.com/

Cinquième album pour ce combo allemand qui n’en finit pas de tenter (souvent brillamment) de faire évoluer le rock progressif, de lui donner des couleurs sinon nouvelles au moins un tant soit peu inhabituelles, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas une mince affaire. Rien que pour cette démarche, Argos (et son fondateur historique depuis 2005, le multi instrumentiste et compositeur Thomas Klarmann) est à saluer haut et fort, et figure, n’en déplaise, parmi les formations les plus importantes du genre en ce début de 21ème siècle. On range souvent la musique de ce groupe sous la bannière du néo prog, ce qui s’avère de plus en plus incongru, tant l’ambition harmonique et le sens poussé de la composition l’inscrivent en faux, sans compter un penchant très marqué pour les sons analogiques des années 70. Peut-être est-ce dù à la simplicité de quelques titres, parfois flirtant avec la pop, mais là aussi réside le paradoxe, en ce sens qu’on accole souvent aussi l’étiquette Canterbury scene à la musique d’Argos, un genre musical n’ayant jamais caché ses ambitions musicales jazz et avant-garde… Demeure donc ce mystère aphoristique… Deux adjectifs s’annulant l’un l’autre, mais dont l’originalité profite fort bien à nos Allemands, comme en témoigne encore Unidentified Dying Objects

La musique d’Argos, peu tapageuse, relève régulièrement d’un charme fou, et d’un sens très british de l’inspiration et des arrangements. L’une des voix pour le chant (guitariste et claviériste) rappelle celle du chanteur de Caravan, Pye Hastings, ce qui apporte quelque chose de très humain à cette musique, dont l’influence Canterbury s’est un peu diluée ici, comme pour l’album précédent (A Seasonal Affair, 2015), mais faisant montre de plus d’ambition. Le souci des arrangements, d’un raffinement recherché, est aussi une des composantes du groupe, et ne se dément pas sur ce disque. Les sons Canterbury sont là; orgues Hammond et Clavinet, vibraphone simulé, et autres mellotrons sont de la partie, agrémentés de flûte, saxophone ou clarinette par intermittence. Les parties rythmiques sont plus développées que précédemment, bien groove et faisant montre de très jolis breaks, même si n’est pas Billy Cobham qui veut. Enfin la guitare prend ici sa place de roi, versatile et technique au possible, entre métal et jazz rock façon Holdsworth à son meilleur, habillant de lumière chacune des huit pièces. On pense souvent au talent insolent (mais parfois bavard) de Luke Machin. Andy Tillison (justement!), apparaît en invité et ne dépareille pas, tant cet album sonne parfois comme le tout meilleur…The Tangent justement (!), ou les Flower Kings, les dépassant même en inspiration, même si le brio instrumental n’y est pas encore! En attendant, ils ont sacrément progressé. Ce qui fait le charme de ces Allemands, c’est aussi la sophistication des harmonies, sorte de jazz en demie teinte, évoquant parfois VDGG, offrant cette magie de l’inattendu, et une façon superbe et naturelle à la fois de retomber sur ses pattes. C’est toujours un ravissement d’entendre déboucher une suite de notes sur un accord de rêve, comme c’est encore régulièrement le cas ici. Les parties instrumentales sont légion et c’est un enchantement. Les temps faibles sont vraiment rares, ce qui propulse cet album parmi les deux meilleurs de sa discographie, avec Cruel Symmetry. Achevons le compliment en précisant que l’album se clôt sur un morceau de plus de 18 minutes des plus réussis, sans temps mort ni faiblesse, ne nous laissant que l’envie de recommencer le voyage.

Mille bravos à Argos, qui, à l’encontre des objets mourant non identifiés du titre de ce nouveau disque, n’est pas prêt de se faire oublier, et dont la discographie est un exemple de talent, d’inspiration et d’exigence artistique. Sans pourtant le brio démonstratif des plus acclamés du genre, il est grand temps d’affirmer l’excellence de cette petite bête qui monte, qui monte, qui monte…