3RDegree - Ones & Zeros - Vol.0

Sorti le: 09/08/2018

Par CHFAB

Label: Autoproduction

Site: https://3rdegree.bandcamp.com/

Mine de rien…

Étonnant parcours que celui de 3rd Degree (ceurd deugwi en phonétique), sextete américain installé dans le New Jersey (terre natale de l’immense écrivain récemment disparu Philip Roth) dont en particulier The Long Division paru en 2012 avait marqué les esprits, tutoyant les fulgurances musicales d’un Echolyn ou d’un Flower Kings en grande forme. Voici déjà le 6ème album et également prologue du disque précédent. Pour mieux comprendre, et donc suivre, Ones & Zeros – Vol 0 parait après mais devance Ones & Zeros – Vol I… La démarche semble hasardeuse, ou tout bonnement bassement commerciale, mais avec une musique aussi peu médiatisée et des musiciens aussi peu médiatiques on se doute du contraire (non?)… On y entrevoit même un reflet inquiet ou ironique sur la culture reboot, reload , sequel , prequel et autre 2.0… Tout aurait tendance à devenir une marque, un label, un logo. La vie même deviendrait-elle une industrie? Serions-nous devenus des objets, des êtres fixes dans nos comportements, condamnés à ne plus savoir évoluer?

La musique de 3rd Degree est intelligente, tout en étant modeste. Elle propose des harmonies accessibles mais élaborées (souvent tirant vers le jazz rock) et ne fait pas étalage de technique, elle est largement chantée et étayée par un sens poussé des choeurs (Echolyn justement). Elle pourrait s’apparenter à ce qu’on appelle du néo prog (courant progressif apparu à la fin des années 70, dépouillé de sa complexité instrumentale, orientant majoritairement les débats mélodiques entre voix et guitares solo, les claviers occupant largement l’espace illustratif à grand renfort de nappes, conférant à sa musique une certaine accessibilité, voire des accents variété pour les plus exigeants d’entre nous). Mais ce n’est pourtant pas ce que jouent ces Américains. Ce deuxième volet (enfin, premier plutôt) du concept Ones & Zeros (la base du langage informatique) s’avère, contre toute attente, aussi intéressant que le premier, voire plus encore, faisant montre d’une créativité de chaque instant (le morceau d’ouverture en est la flamboyante démonstration) avec une évidence pop beatlesienne de grande qualité. Le chant, bien que n’étant pas l’élément le plus talentueux du groupe, est très convaincant, juste, précis et investi, et son timbre imprime à chaque chanson ou morceau une personnalité qui rend 3rd Degree reconnaissable. Enfin les séquences instrumentales sont régulières et très soignées, aux petits oignons.

Bref, voilà un album laissant au final une impression kaléidoscopique très satisfaisante, avec un bon nombre d’écoutes à la clef. Sans faire de bruit ce groupe est en train de se constituer un public de plus en plus fourni et c’est amplement mérité. C’est tout ce qu’on lui souhaite car la qualité et la sincérité ne trompent jamais. Ils sont quelques uns, comme ça, dans l’ombre des Big Big Train et autres Unitopia, Phideaux, Spock’s Morse et j’en passe, faisant pourtant généralement preuve de bien plus d’inspiration… Les limbes du temps en décideront. En attendant tomber par hasard sur ce disque est une chance. Mine de rien…