Frédéric Delâge - Kate Bush - Le temps du rêve

Sorti le: 01/03/2017

Par Jean-Philippe Haas

Label: Le mot et le reste

Site: https://lemotetlereste.com/musiques/katebush/

Frédéric Delâge n’attendait sans doute qu’un bon prétexte pour écrire la première et unique biographie en français consacrée à cette extra-terrestre de la musique pop anglaise, bien que que le terme « pop » sied très mal à quelqu’un qui n’a jamais respecté aucun des codes musicaux en vigueur et a souvent suivi son seul instinct. Toujours est-il que l’auteur de Prog 100 a vraisemblablement saisi le retour sur scène aussi inattendu que réussi de Kate Bush pour signer cet ouvrage où se devine une passion immodérée – mais compréhensible – envers celle dont l’influence est aujourd’hui encore largement revendiquée par de nombreux artistes.

Extrêmement bien documenté, comme tous les ouvrages de l’auteur, Le temps du rêve se veut factuel, pédagogique, évitant les appréciations trop personnelles sauf peut-être lorsqu’il s’agit de l’analyse de l’œuvre discographique. Pour l’essentiel, on suit la trajectoire artistique de Kate Bush comme on lirait un roman, les passages plus techniques pouvant être, selon les cas, dévorés par les fans avides de détails ou laissés temporairement de côté par ceux qui sont moins familiers avec ses disques. L’écriture de Delâge est fluide dans les parties narratives, un peu plus touffue – et subjective, forcément – dans le déchiffrage des albums, mais on décroche difficilement de la lecture de ce parcours atypique que résument bien imparfaitement les seuls tubes « Babooshka », « Running Up That Hill » ou « Don’t Give Up ».

On découvre d’abord une très jeune fille au caractère trempé, composant précocement des dizaines de chansons, entourée d’une famille aimante au sein de laquelle la musique et l’art en général occupent une place importante. On vit le début d’une carrière appuyée par David Gilmour et le succès de l’improbable « Wuthering Heights ». On apprend à connaître celle qui, après une ascension fulgurante, va refuser la plupart du temps toute surexposition médiatique, ne fera que peu de compromis avec sa maison de disques et saura se préserver des dangers de la gloire trop vite acquise. On vit aussi ses doutes d’artistes, son refus de la répétition, ses périodes difficiles, ses disparitions plus ou moins longues, ses retours souvent imprévisibles mais qui soulèvent à chaque fois l’enthousiasme. On se réjouit de l’incroyable succès de sa série de concerts au Hammersmith Apollo en 2014 (les quatre-vingt mille places se sont vendues en un quart d’heure), trente-cinq ans après sa dernière tournée en date (The Tour of Life , 1979), promesse de belles choses à venir.

On ne peut que saluer la parution de cette bio qui repeuple un peu l’inexplicable désert livresque qui entoure en France la carrière d’une artiste d’exception. Peut-être personne n’a-t-il jamais osé s’attaquer sérieusement au parcours intimidant de Kate Bush ? Frédéric Delâge l’a fait, brillamment, et on a simplement envie de lui dire : merci.