Karda Estra - Strange Relations

Sorti le: 11/03/2015

Par Jean-Philippe Haas

Label: Believers Roast

Site: http://www.kardaestra.co.uk/

A une fréquence quasi métronomique depuis A Winter in Summertime (1998), Richard Wileman compose pour Karda Estra des disques dont la qualité et l’originalité ne se sont jamais démenties. Le Britannique peut se vanter d’avoir créé à lui tout seul une entité unique alliant orchestre de chambre et instruments électriques dans la confection d’une musique atmosphérique, souvent inquiétante, qui évoque les romans de Lovecraft ou de Poe et puise une partie de son inspiration dans le cinéma italien d’épouvante des années soixante et soixante-dix.

Reprenant le titre du recueil de nouvelles de Philip José Farmer (Des rapports étranges, en français), l’hexalogie « Strange Relations » marque une évolution inédite, qui a fait sa timide apparition sur New Worlds. En effet, le batteur Paul Sears, très impliqué ici dans le processus de composition, donne une toute nouvelle coloration à la musique Karda Estra, qui n’avait jamais connu tel penchant pour le jazz. Il imprime un rythme à des compositions dont l’une des caractéristiques était jusque-là leur propension à vagabonder librement. Contre toute attente, roulements et cassures contribuent à leur manière à la tension ambiante, y apportant un caractère épileptique assez surprenant. Kavus Torabi (fondateur du label Believers Roast, qu’on a pu voir sur scène avec Gong, mais aussi membre entre autres de Guapo) participe également, pour la troisième fois, à l’écriture de l’un des titres. Pour autant, on n’assiste pas à une mue complète : le pouvoir évocateur de la musique et les atmosphères inquiétantes restent des composantes importantes : Strange Relations nous réserve quelques jolis moments d’étrangeté, d’une beauté mélodique parfois glaçante. Les fidèles Amy Fry (clarinette, saxophone), Caron De Burgh (hautbois, cor anglais), et Ileesha Wileman (voix) continuent leur travail de chevilles ouvrières qui contribuent à créer cette personnalité singulière. Les deux titres restants, « Ylla » et « The Wanton Subtlety of Monna Tessa », dénués de batterie, sont d’ailleurs plus « typiques » de l’esprit Karda Estra des albums précédents.

Richard Wileman a peut-être trouvé sur Strange Relations un bel équilibre entre des passages brumeux et erratiques, à la fois captivants et effrayants, et des moments dominés par un rythme capable d’être aussi léger qu’oppressant. Une musique d’ambiance, dans le sens le plus vénérable du terme, du genre de celle qui sait vous faire dresser les poils et extraire des émotions brutes du fond de vos entrailles.