Arvo Pärt - Symphony n°4

Sorti le: 05/10/2010

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: ECM New Series

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Pour son soixante-quinzième anniversaire, le compositeur estonien sort le grand jeu. Coup sur coup, ECM publie deux œuvres majeures que sont Tabula Rasa et cette nouvelle symphonie écrite en 2008, véritable événement musical d’autant que la précédente date de 1971 ! Le sous-titre « Los Angeles » se réfère autant à l’Orchestre philharmonique de Los Angeles qui en est le commissionnaire qu’à l’ange gardien, figure sans cesse présente dans les travaux d’Arvo Pärt.

Il n’en demeure pas moins que la composition représente également un signe de lutte contre l’oppression instaurée par Vladimir Poutine, l’actuel premier ministre russe et que cette quatrième symphonie est dédicacée à l’oligarque du pétrole Mikhail B. Khodorkovsky, enfermé depuis 2005 dans les geôles sibériennes, soi-disant pour fraude fiscale. Intrigant, surtout qu’il est question d’un homme d’affaires qui n’incarne pas l’oie blanche aux yeux du public…

Partition pour orchestre à cordes, harpe, timbales et percussions, les trois mouvements de la symphonie sont d’une humeur ecclésiale de tous les instants. Les harmonies modales, les structures répétitives ainsi que la percussion évoquent massivement les cloches et les rituels de l’Église orthodoxe. Comme dans nombre de ses réalisations, l’effet de suspension de la musique dans le temps est saisissant, aidé en cela par les similitudes motiviques et stylistiques dans les trois mouvements.

Chaque mouvement possède néanmoins son propre caractère et les percussions (cloches et carillons), sublimes, religieuses, soulignent avec insistance l’annonce du glas. L’humeur tragique dépeinte réside évidemment dans son attachement à l’entrepreneur russe emprisonné. Même s’il s’en défend, Arvo Pärt renoue d’une certaine manière avec son antisoviétisme politique, déjà bien présent dans sa troisième symphonie.

Enregistrée en public lors de sa présentation en janvier 2009 au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles, l’interprétation du Los Angeles Philharmonic sous la direction de Esa-Pekka Salonen est proprement époustouflante dans son intensité, sa finesse et sa justesse. La prise de son est une réussite totale tant les instruments ont une précision sonore de toute beauté sans pour autant perdre de leur musicalité.

Le disque est complété avec bonheur par des extraits particulièrement bien choisis des « Kanon Pokajanen », écrits en 1997. Cette composition pour chœur interprété par l’Estonian Philharmonic Choir s’inscrit particulièrement bien dans la continuité de la symphonie de par son intensité et son introspection spirituelle. Arvo Pärt signe à nouveau une grande œuvre qui prouve à quel point sa renommée dans le public n’est point usurpée.