Serj Tankian - Elect the Dead Symphony

Sorti le: 27/04/2010

Par Jean-Philippe Haas

Label: Serjical Strike Records / Reprise Records

Site:

Il semble être de bon aloi actuellement, pour un artiste reconnu de la scène rock, d’être accompagné d’un orchestre, symphonique de préférence. Quelle caution artistique recherche-t-il à travers ce genre de projet ? S’agit-il d’un caprice de star ? D’une banale opération financière ? Les Four Horsemen sont-ils sortis grandis ou plus riches de l’expérience S&M ? Passons un instant sur l’intérêt de la chose pour ne considérer que les qualités propres du présent objet.

A peu de choses près, Elect the Dead Symphony consiste en une version orchestrale du premier et pour le moment unique album solo de Serj Tankian, dans son édition collector avec les titres « Blue » et « Falling Stars ». Les deux mets que sont « The Unthinking Majority » et « Praise the Lord and Pass the Ammunition » ne figurent pas au menu, tandis que les inédits « Gate 21 » et « The Charade » viennent s’y greffer. Enregistré avec le Auckland Philarmonia Orchestra (l’Américain s’est provisoirement installé en Nouvelle-Zélande), ce disque en concert se prête à merveille au jeu des comparaisons. On remarquera par exemple que certains morceaux tels que « Sky Is Over » ou « Beethoven’s Cunt » prennent une toute autre dimension sous cette forme.

L’absence de tout accompagnement électrique fait reposer toute la composante rock sur la voix du ténor, un défi qui en effrayerait de plus aguerris. Après un « Feed Us » hésitant, Serj Tankian retrouve toute sa voix et son assurance. D’aucuns prétendront que la voix nasillarde de l’ex-System of a Down jure aux côtés d’un orchestre symphonique. D’autres constateront qu’ainsi exposé, sans mur sonore pour le protéger, le musicien démontre qu’il maîtrise avec aisance cet exercice périlleux et finalement, au-delà de cette présence orchestrale somme toute peu envahissante, il insuffle à lui seul la puissance nécessaire aux titres, sauf lorsque l’orchestre s’emballe franchement (« Money », « Beethoven’s Cunt »).

L’humour et la dérision n’ont pas quitté le propos d’un chanteur clairement engagé, qui ne se prive pas de faire le pitre sur des sujets qui ne prêtent guère à rire (« Lie Lie Lie », « Money »). Les inédits « The Charade » et « Gate 421 » passent quant à eux à merveille le cap de la scène. On est tenté d’imaginer ce que donneraient ces nouveaux titres dans une version électrique. Les cinquante-cinq minutes monopolisées par la voix de Serj Tankian pourront parfois paraître bien longues. D’un point de vue purement musical, il est toutefois impossible de nier la performance accomplie. L’artiste chante sans filet, les arrangements sont remarquables, les versions orchestrales sont au pire agréables. Reste à déterminer à qui d’autre qu’aux fans inconditionnels s’adresse ce disque.