Etron Fou Leloublan - Face aux éléments déchainés

Sorti le: 02/02/2010

Par Christophe Manhès

Label: Gazul Records

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L’œuvre des hurluberlus d’Etron Fou Leloublan est une pièce importante du patrimoine musical hexagonal, au même titre que celles, trop méconnues mais d’un registre différent, d’Art Zoyd ou de Catherine Ribeiro + Alpes. Le point de départ remonte à l’année 1973 alors qu’ils jouent en première partie de l’incontournable Magma, pour se prolonger jusqu’en 1985 et laisser dans son sillon les marques atypiques de cinq et excellents albums studios délicieusement loufoques.

Etron Fou Leloublan fut un des fondateurs du mythique mouvement Rock in Opposition aux côtés des infrangibles Belges d’Univers Zero et des très expérimentaux Britanniques d’Henry Cow, dont le guitariste Fred Frith prit en main la destinée des Grenoblois en produisant, entre autres, ce dernier album intitulé Face aux éléments déchaînés.

Situer leur musique, c’est tenter de classer l’inclassable. Tout en étant très personnelle et unique, on peut avancer que le groupe a réussi la synthèse entre un rock progressif typiquement tricolore, très théâtral, qui rappelle les « délires » d’Ange mais également et surtout le fabuleux album éponyme d’Arachnoïd, et l’avant-rock débridé façon Aksak Maboul dans lequel a joué d’ailleurs leur mentor Fred Frith.

Alors qu’il n’existait jusque-là qu’une seule édition enchâssée dans une belle et exhaustive anthologie des albums studio du groupe, cette première réédition CD distincte de Face aux éléments déchaînés est l’occasion bienvenue de découvrir à nouveau toutes les qualités sous-estimées de leur ultime frasque discographique. La production de cet enregistrement est la première chose qui surprend. Le son, presque froid, bien restitué par cet réédition, témoigne évidemment de celui des années quatre-vingt et grâce au subtil travail de Fred Frith, est devenu partie prenante de l’originalité intrinsèque de l’album.

En outre, il faut reconnaitre une sacrée maestria dans la mise-en-scène de cette froide animation à laquelle on adhère, fasciné par la maîtrise et la richesse de la cocasserie. Avec Face aux éléments déchaînés, Etron Fou Leloublan esthétise l’humour, le décalage, et crée un univers à part, dominé par les acrobaties de la basse et de la voix singulière de Ferdinand Richard, qui ne sont pas sans rappeler celles, plus tardives, de l’Américain Les Claypool (« Hors de son monde »). Pas toujours bien apprécié par la critique, vingt-cinq ans plus tard, cet album fait finalement valoir bien des arguments.