Dave Matthews Band

30/07/2009

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Par Nicolas Soulat

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Site du groupe :

CONCERT : DAVE MATTHEWS BAND

  Lieu : Paris, L’Olympia
Date : 1er juillet 2009
Photos : V. Chassat

Pour qui connaît un minimum le champ musical de cette véritable machine à groover américaine, il y a fort à parier que la mayonnaise prenne derechef dans une salle à l’acoustique taillée dans le vintage. Habitués aux grandes scènes comme aux clubs intimistes, ces caméléons de Virginie vont entrer en résonance pour une première rencontre électrique avec la capitale, en produisant un spectacle organique et chaleureux et surtout fort apaisant en ces temps de disette culturelle.

Setlist : Bartender – Shake Me Like a Monkey – You Might Die Trying – Spaceman – Corn Bread – Everyday – Seven – Grey Street – Alligator Pie – Funny the Way It Is – Crush – So Damn Lucky – Lying In the Hands of God – Jimi Thing – Too Much (Fake) – Ants Marching – (rappel) Rye Whiskey + solo Tim Reynolds – Don’t Drink the Water – Why I Am

Petit temps d’arrêt obligatoire pour le profane devant l’affiche de cette grande salle surmédiatisée, qui affiche aujourd’hui de ses coutumières lettres rouges le nom d’une formation probablement inconnue de la plupart des Parisiens déambulant ou fonçant droit comme de coutume sur le boulevard des Capucines. Les longs couloirs feutrés mènent le spectateur en un lieu qui, pour l’occasion, a littéralement été déraciné de ses sièges. Un signe qui ne trompe pas…

Le public composé d’Allemands, de Hollandais ou d’Anglais se massent devant une scène à la décoration sobre qui suppose l’arrivée imminente d’une première partie, par la présence d’un petit kit de batterie monté au premier plan. Au bout de quelques minutes, quelle surprise de voir Dave Matthews en personne s’avancer nonchalamment vers le premier micro pour présenter les téméraires en charge de tenir un Olympia en haleine pendant une petite heure. Geste emprunt de classe et salué par une salve de cris et d’acclamations, qui permet à Alberta Cross de monter sur les planches sous un tonnerre d’applaudissements. Oscillant entre un post-rock intelligent et porté par une voix maîtrisée mais quelque peu monotone, le travail est exécuté avec minutie. Déshabillant Coldplay pour rhabiller Keane, les New-Yorkais affichent pourtant une énergie texane pas piquée des vers avec ce mélange des genres orienté hippie très assumé. Une alléchante mise en bouche qui surprend néanmoins devant le champ d’action beaucoup plus jazz de la tête d’affiche. Quoi qu’il en soit, l’exercice n’a rien de rébarbatif et sonne définitivement juste.

Après un entracte annoncé fièrement par une voix féminine qui n’a rien à envier aux plus grands classiques de la SNCF, la fosse s’aère sous la terrible chaleur qui sévit et une faune en nage part en quête de rafraîchissements. Après une bonne bière servie par un barman anglophone (!), les sirènes retentissent pour annoncer la suite du spectacle. Quelques minutes plus tard, avec cette classe toute américaine, le Dave Matthews Band entre sur scène pour en occuper la totalité. Tous les pupitres sont représentés ; cuivres et cordes prennent pleine possession de l’espace mis à leur disposition. Dès les premières secondes de « Bartender », le mix s’annonce quasiment parfait. Le son cristallin du saxophone épouse avec amour la brillance des cordes et la chatoyance des cymbales. L’ensemble repose ainsi délicatement sur une assise de basse très moelleuse. L’alchimie caractéristique du groupe commence à s’emparer des auditeurs telle une magie vaudou prenant possession des corps ; difficile de ne pas commencer à se déhancher avec une ferveur presque insoupçonnée.

Le batteur Carter Beauford, qui ferait swinguer une partie de Scrabble en plein hiver avec Mémé, impose un jeu d’une grande finesse, habilement camouflé derrière le sens mélodique des compositions. Dave Matthews, en pleine possession de son organe vocal, annonce avec fougue la prochaine ritournelle, fer de lance incontestable du nouvel album Big Whiskey and the GrooGrux King : « Shake Me Like a Monkey ». Le coup de grâce a frappé, et ce dès le deuxième titre. Les corps s’embrasent et ne peuvent s’empêcher de danser. Pendant près de deux heures trente, l’Olympia va se transformer en véritable boîte de nuit du sol aux balcons. L’audience se déchaine au rythme de refrains entêtants, mais également de parties beaucoup plus fusion où les contre temps accueillent soli et contrepoints traversant la salle sans que celle-ci ne s’arrête de bouger, ni de chanter. Car la grande force de cette formation réside définitivement dans sa capacité à faire accepter sans aucun effort au public des influences résolument jazz, au service d’une pop folk chantante et agréable.

Les musiciens conduisent leur set avec l’assurance propre aux grands de ce monde, se lâchent sur leurs fameuses improvisations où chacun s’exprime sans jamais lasser – chose assez rare pour être soulignée – et caressent affectueusement l’assistance des couleurs protectrices d’« Everyday », pour repartir de plus belle sur cette même recette qui fera mouche : chant et danse. Malgré une prestation un peu statique de Tim Reynolds, seule guitare électrique du septuor au son un peu agressif et étouffant quelque peu sa petite soeur acoustique portée par Dave Matthews, ce dernier ne s’en sent nullement gêné et se montrera au fil des titres très généreux et communicatif, charriant au passage l’accoutrement toujours chic de son public français, alors que lui doit constamment lutter contre une transpiration plutôt « disgusting ». Entre effervescence, exaltation et projecteurs, on lui pardonnera aisément de mouiller la chemise d’autant plus qu’il n’était pas le seul.

En bon chef d’orchestre, il parvient à surfer avec aisance sur cette grande vague d’énergie, en captant solidement l’assistance au détour d’un refrain imparable (« Funny the Way It Is »). Le rappel mérité se charge de clôturer une soirée endiablée, notamment par le biais de « Why I Am », véritable hymne repris par un public aux anges, rappelant les grandes heures de Toto et imposant la qualité de composition du groupe. L’absence soulignée par un hommage aux mots très justes du défunt saxophoniste LeRoi Moore se fit tristement ressentir aux vues des anciennes prestations du groupe. L’aventure se poursuit néanmoins, fière d’un héritage qui semble transcender tous les supports.

Nicolas Soulat

site web : Dave Matthews Band

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