Eroc - Changing Skies (Rééd.)

Sorti le: 03/05/2009

Par Christophe Manhès

Label: Universal

Site:

Osons juste un peu de philosophie. Aristote, dans son célèbre ouvrage Physique, montre qu’il ne peut croire en l’existence du vide absolu. Pour lui le vide est un « espace clos », organisé, ordonné et harmonique. Si l’on revient maintenant à la musique, on se rend compte qu’il est possible d’adosser cette conception du vide à l’école du rock planant allemand des années soixante-dix, dont Tangerine Dream et Ash Ra Tempel ont été par exemple les grands acteurs. De ce point de vue, les somptueuses vagues électroniques de la Berlin School furent un grand moment de la musique populaire. Elle se montra capable d’ancrer une pulsion vitale, vaste et émouvante au sein des synthétiseurs et, par la même, de mettre en scène le cosmos sans forme. Pas moins.

L’allemand Eroc est un naufragé de ces glorieuses années. Ex-batteur de Grobschnitt, il gagna quelques galons auprès des amoureux du krautrock planant grâce à son premier album solo instrumental sorti en 1975, qui, s’il n’avait rien de majeur, possédait au moins un sympathique sens de l’humour. En revanche, avec Changing Skies publié en 1987 et réédité en 2009, la seule notion de vide qui se retient est de nature plus prosaïque que celle de ses aïeules : « Ordinairement défini comme l’absence de matière ». Au revoir les immenses épopées sonores, ce disque n’est qu’un courant d’air insignifiant dénué de substance. Aucune évolution majeur n’est à créditer sur le compte du musicien depuis Eroc 1. Il démontre ainsi que la technologie, plus de dix ans après, n’a fait preuve que d’une surprenante involution. Au son chaud et vibrant des premiers instruments électroniques a été substitué un son toc aux couleurs criardes. Musiquette sans relief, cette fois à l’humour raté, Changing Skies incarne le genre de singerie qui n’appelait évidement pas une réédition, surtout surchargée ici de bonus tout aussi inutiles.

Pour finir sur une note nettement moins négative, il est à signaler qu’Eroc s’est depuis reconverti avec panache dans la production. On lui doit notamment le nettoyage remarquable du fameux Känguru de Guru Guru, réédité chez Revisited Records ; autant dire l’un des plus solides piliers du culte krautrock.