Echolyn - As the World (rééd.)

Sorti le: 27/01/2009

Par Jean-Philippe Haas

Label: Autoproduction

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C’est entre le crépuscule des années quatre-vingt et l’aube des années quatre-vingt dix – moribondes pour le rock progressif – que naît Echolyn dans un coin de Pennsylvanie. D’entrée, le groupe frappe fort avec un album éponyme en 1991, suivi en 1992 par le désormais classique Suffocating the Bloom. Le temps d’un mini album plus intimiste en 1993, …and Every Blossom et l’impensable se produit : Echolyn est approché par Sony ! De cette collaboration du groupe avec une major va naître As the World et l’espoir que le rock progressif peut redevenir populaire.

Influencé par Gentle Giant, Echolyn se veut toutefois plus symphonique et développe sur As the World une personnalité unique, moderne, où la complexité et l’audace se mêlent intimement à la mélodie et la concision. Harmonies vocales travaillées, richesse instrumentale, changements abrupts, trouvailles harmoniques, sonorités à la fois modernes et vintage parfois déroutantes… les termes sont innombrables pour qualifier ce disque. Mais comme toute femme de bonne vertu, l’album ne dévoile pas tous ses charmes la première fois. Il faut l’apprivoiser, être patient, et peut-être passer outre certaines idées reçues pour découvrir ses trésors cachés. Le titre éponyme annonce la couleur d’entrée : puissant et expressif, tout en contrastes, il va devenir, à l’instar de « Uncle », « The Cheese Stands Alone », « A Short Essay » ou encore « Audio Verite », un classique du groupe en concert. La guitare multiforme de Brett Kull se fraie de nombreux passages parmi les claviers omniprésents de Chris Busby tandis que sa voix chaude et posée, trouve en celle de Ray Weston, plus brute et expressive, une complémentarité idéale. Monologues, dialogues, unissons, les deux vocalistes se passent le relais au gré de l’humeur des morceaux.

Dans les années quatre-vingt dix, il n’est pas courant pour un groupe à peine reconnu dans sa propre niche musicale de disposer d’un enregistrement haut de gamme. Comparativement aux précédents albums, l’effet « major » s’entend donc ici immédiatement. Limpide, parfaitement équilibrée, la production reste aujourd’hui encore éclatante. Et puisqu’il y a un vrai budget, Echolyn s’offre même le luxe d’un orchestre à cordes qui fait merveille sur quelques titres à l’humeur mélancolique comme « Entry 11.19.93 » ou un « Never the Same » prémonitoire qui clôt l’album par huit minutes nostalgiques soutenues par un majestueux travail vocal.

Cette réédition est agrémentée d’un DVD contenant l’enregistrement d’un concert donné par le groupe deux jours avant la sortie de l’album. Filmé par une télévision locale avec des moyens limités, ce concert démontre qu’Echolyn est déjà un grand groupe de scène, réputation qui n’aura de cesse de se confirmer au fil des années. Seul regret micro-regret concernant cette réédition : que le visuel si original de la version originale ait été écarté au profit d’une photo d’époque du groupe.

As the World aurait pu – aurait dû ! – être l’album d’une reconnaissance largement méritée pour Echolyn, voire, n’ayons pas peur des mots, le catalyseur d’un renouveau du rock progressif. Au lieu de cela, le sort de cet album a été mis entre des mains incompétentes et, faute de soutien, a non seulement été sabordé mais a failli coûter la vie à un groupe majeur de la scène progressive actuelle. Après une longue convalescence, Echolyn renaîtra pourtant de ses cendres, quelques cinq ans plus tard et plus fort que jamais avec Cowboy Poems Free.