Albert Marcoeur

17/11/2008

-

Par Christophe Manhès

Photos:

Site du groupe :

CONCERT : ALBERT MARCOEUR

 

Lieu : Café de la Danse (Paris)
Date : 19 octobre 2008
Photos : V. Chassat

Durant la soirée, Travaux Pratiques, le dernier et excellent album du musicien, sera entièrement reproduit, mais dans un ordre chamboulé et intercalé de quelques titres plus anciens, appartenant au répertoire des dix dernières années. Comme sur le disque, le quatuor Bela est présent mais pas seul, loin de là. Au total, pas moins de dix musiciens et trois batteries accompagnent le bougre sur scène ! Rien d’étonnant quand on connaît la densité musicale (et notamment rythmique !) du répertoire de Marcœur.

Setlist : Album de photos – Les femmes, ah les femmes! – L’Ancien Régime – Tant bien que mal – L’Idéologue – L’Emprunteur – Le Diable – Un Poète péruvien à Paris – Le Paris-Beurre – L’Agriculteur – Si les fumeurs fument… – Stock de statistiques – Dans le vif du sujet – Bourrée en LA

Le concert commence de manière originale par un léger bruit de pages tournées. Rien de tel pour aiguiser l’attention. On découvre Marcœur dans le noir, assis à une table faiblement éclairée, qui entame de sa voix si particulière à la diction parfaite, le texte d’« Album de photos », un titre parfait pour amorcer cette soirée et pénétrer l’intimité de l’univers si singulier de l’artiste. De plus, le quatuor Bela — qui jouera pratiquement sur tous les titres — y apporte cette touche merveilleusement veloutée qui fait toute la richesse de Travaux Pratiques. S’élance l’émouvant « Les femmes, ah les femmes ! », une des plus belles chansons de l’album, un régal d’entendre à nouveau ce texte dans sa surprenante gangue rythmique. Poète doué et tendre, bien que très impertinent, Marcœur sait comme personne concentrer l’émotion dans des chansons, mi-rock mi-pop, qui épousent les textes à la perfection. Le public semble ravi.

Il faut toujours rappeler que notre musicien est un vrai contemporain qui possède un talent particulier pour accoucher de trouvailles rythmiques remarquables, plus variées les unes que les autres. Preuve en est la partition excentrique de  L’Ancien Régime » où cloches, batterie et profusion d’échantillons carillonnent et s’entrechoquent dans une danse endiablée pour, à contre-courant, moquer les saveurs d’antan parfois moisies. L’atmosphère est réellement fascinante. L’un des moments incontestablement fort de ce concert. Suivent « Tant bien que mal » et « L’Idéologue » dont la courte introduction, extraite de l’album L’Apostrophe, est l’occasion d’une belle prolongation. Albert et Gérard Marcœur s’installent à leur batterie respective pour jouer le titre à l’unisson et ajouter au son une bonne dose d’énergie. Le Quatuor Bela en profite pour se déchaîner et délivrer des stridences dignes des groupes de metal les plus aventuriers ! On pense évidemment à la rage des cordes d’une Carla Kihlsted. Le public applaudit à ce surprenant débordement.

D’abord conteur puis musicien, voilà maintenant Marcœur farceur. Le grand et regretté Raymond Devos n’aurait certainement pas renié cet « Emprunteur », drôle de jeu de sons et de langues qui, l’air de rien, nous livre les secrets de fabrication de son artisan-maestro. Tempi et émotions se succèdent, finement perlés. Le superbe « Un Poète péruvien à Paris » clôture le dernier album de manière émouvante et la scène semble avoir renforcé la tristesse de cette chanson où la voix de dadais malicieux de Marcœur fait merveille. Afin de relâcher l’étreinte des sentiments trop exacerbés, voilà que les Marcœur se calent à nouveau derrière leurs batteries pour lancer, à trois, « Le Paris-Beurre » et « L’Agriculteur » dont le motif original s’éloigne du traitement folk doucereux que l’on plaque généralement sur ce genre de sujet, suivi de la fantaisie instrumentale puissante et distordue du très humoristique « Stock de Statistiques ». Enfin, après des remerciements aux « inspirateurs » du spectacle — Anne Bitran et Jean-Pierre Daroussin — le concert se conclut sur une formidable « Bourrée en LA ». Si le titre commence par jouer sur le velours basané des cordes, il lance l’anacrouse pour finir carrément en feux de joie. C’est coloré, vif, pop, contemporain et entraînant. Du pur Marcœur. De longs applaudissements plus que mérités concluent le concert.

Plus qu’un concert, un spectacle de Marcœur possède le son, l’image mais également une mise-en-scène où le talent de l’acteur concurrence l’humoriste. Accompagné de musiciens en tous points irréprochables, le show entraîne avec finesse dans des temps variés et contrastés, et dans les profondeurs d’un art qui dépasse le simple divertissement musical. Marcœur est comme ces troubadours d’antan qui, sous les couleurs flatteuses, dissimulaient un fiel vertueux appelé la sagesse. Merci Monsieur Marcœur.

Christophe Manhès

site web : http://www.marcoeur.com/


retour au sommaire