Gojira - The Way of All Flesh

Sorti le: 10/10/2008

Par Nicolas Soulat

Label: Listenable Records

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Chercher les armes pour lutter et résister. Si tant est qu’on en éprouve le besoin, à une époque où les esprits critiques s’aiguisent parfois gratuitement et sans style, telle pourrait être la devise d’un grand nombre d’intrigants pratiquant la musique progressive. Certains refusent de capituler, essayant de se dérober par peur ou par mauvaise foi. Mais la lumière de Sirius n’a jamais été aussi proche, ouvre un chemin parsemé de tentations, un lien vers une terre inconnue.

Reconnaître que Gojira possède une réelle charge émotionnelle qui détruit littéralement certaines frontières trop bien établies du metal, admettre que le combo basque expose une vision musicale suffisamment inédite et réfléchie pour dévoiler un univers complet, tout cela, n’est en aucun cas un aveu de faiblesse, un péché d’objectivité tout au plus. Avec Logan Mader (ex-Machine Head) aux commandes, le mélange entre le rythme et l’harmonie est une fois de plus quasi fusionnel, et l’on se surprend encore à retenir ses larmes devant tant de puissance côtoyant même certains sommets où siège l’impétueux Devin Townsend.

Même si elle n’est absolument pas responsable du côté beaucoup plus noir de ce dernier album, l’ombre de From Mars to Sirius obscurcit toutefois l’originalité du propos et pourra constituer un solide reproche pour l’initié soucieux de certaines valeurs trop peu représentées. La production est paradoxalement beaucoup plus claire et presque trop propre au regard de son prédécesseur, mais plusieurs tours de force viennent encore renforcer l’identité du groupe. Qu’on se le dise, Gojira c’est avant tout des compositions à la fois décousues et précises, un batteur qui comprime savamment brutalité et inventivité, voire finesse, des guitares mélodiques forgées à l’ancienne, couplées à quelques effets percussifs et synthétiques, et tout cela, quasi orchestré par une voix qui porte très peu le fardeau de l’impersonnalité.

Un deuxième reproche vient alors courageusement chatouiller plusieurs oreilles, dépassant cette fois le cercle des connaisseurs. La couleur harmonique de l’album est assez convenue et moins fouillée que ce que les espoirs annonçaient. Cette nuance de prévisibilité inflige quelques regrets d’autant plus amers quand on se trouve face à tant de travail. Quoi qu’il en soit, la lutte est vaine, les certitudes sont là et dépassent l’éternelle (et pénible) discussion sur les goûts et les couleurs. Beaucoup risquent de ne pas accrocher, mais pour ces personnes, l’expression «  partir sans se retourner » n’existe plus.