Jeff Gauthier - House of Return

Sorti le: 25/09/2008

Par Mathieu Carré

Label: Cryptogramophone / Orkhestra

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Le violoniste Jeff Gauthier et les jumeaux Cline (Nels, guitariste tout terrain et Alex percusionniste et batteur) se connaissent depuis presque toujours et jouaient ensemble déjà en 1979 au sein du groupe Quartet Music. A ce trio venant de la côte Ouest des Etats-Unis résolument tourné vers l’avant, viennent se greffer David Witham (claviers) et Joel Hamilton (contrebasse).

Ce dernier remplace Eric von Essen, disparu en 1997 mais dont l’influence reste palpable puisque deux de ses compositions sont y ici réinterprétées dont la sublime balade « Biko’s Blues » qui débute ce troisième disque du groupe dans cette formation. Interprétée avec tact et émotion, elle permet de découvrir les musiciens dans un contexte qui n’est peut-être pas celui pour lesquels ils sont les plus réputés. Tendresse, swing et sonorités chaleureuses menés par les mélodies du violon s’amalgament. Au cœur de ce voyage nostalgique, Nels Cline pose un solo de toute beauté. Cet homme, réellement récalcitrant à l’ordinaire, se montre capable de sublimer cet hommage ou une chanson de Wilco avec la même horripilante décontraction pour le commun des mortels. La contrebasse prend le relais, fait vibrer le sol, et on se croit pris entre Charlie Haden et Pat Metheny, époque Beyond the Missouri Sky, il fait beau dehors, le soleil se couche, les vacances se terminent… et le Jeff Gauthier Goatette commence à faire chauffer l’embrayage.

Car Jeff Gauthier ne s’évertue pas qu’à jouer du violon et trouver drôles de noms de groupes, il est aussi fondateur du label Crytogrammophone (souvent comparé à ECM aux Etats-Unis). Un esthétisme soigné, un sens de la production aux petits oignons, et surtout une farouche volonté d’ouverture musicale y règnent sans partage. On embarque dans un rodéo électrique dopé à la guitare sale (« House of the Animals »), avant d’enchainer sur des passages plus sophistiqués et éthérés afin de repartir de plus belle. Capable de tenir en surrégime comme au doux ralenti avec une aisance déconcertante, le Goatette venu de l’Ouest met les autorités musicales à l’amende. Cette belle mécanique roule au super plombé, à l’hélium et à l’électricité, on ne sait pas comment elle peut fonctionner mais elle tient toujours le bitume et multiplie les instantanés de pur bonheur. « Dizang», balade désespérée d’électronique et de rage prouve qu’avec talent, on peut tout se permettre.

House of Return est un excellent disque, Nels Cline est, selon toute mauvaise foi le guitariste le plus stimulant du moment, et si cet album ne trouve pas d’adeptes, il y a de quoi devenir chèvre !