ENTRETIEN : COG

  Origine : Australie
Style : rock progressif
Formé en : 1998
Composition :
Flynn Gower – chant, guitare
Lucius Borich – batterie, chant, samples
Luke Gower – basse, chant
Dernier album : Sharing Space (2008)

Acteur important d’une scène océanique en plein boom, ce trio formé il y a déjà dix ans ne manque pas d’arguments pour convaincre son public. Leur rock alternatif aux climats variés, aux relents progressifs et aux paroles politisées apporte un vent de fraîcheur au sein du desert australien. Le bassiste Luke Gower revient sur ce Sharing Space qui a atteint dès sa sortie la deuxième place des charts nationaux.

Progressia : Quelles sont vos principales influences, musicales ou autres ?
Luke Gower : Elles sont nombreuses et très diverses. Nous écoutons Bob Marley, Pink Floyd, Salmanella Dub, Helmet, Massive Attack, Portishead, Mastodon, David Bowie, Jeff Buckley et Underworld… Je pense que nous apprécions beaucoup de sons différents, qu’importe le genre ou le style, ce qui se retrouve dans nos propres compositions.

Pouvez-vous expliquer votre succès en Australie ?
Je pense qu’il est principalement dû à la quantité de travail abattu par beaucoup de gens, sur une longue période. Les tournées ont joué un rôle important dans nos vies tout au long de ces dix dernières années, et elles constituent réellement la source de notre succès. Il a fallu bâtir notre réputation mais c’était avant tout une grande aventure, ce qui est le plus gratifiant.

Vos paroles sont très orientées vers la politique et les questions sociales. Quel message principal cherchez-vous à faire passer ?
Je ne pense pas que Cog puisse se résumer à un seul message. Nous aimons écrire des chansons sur des thèmes dans lesquels nous croyons fortement, ou qui nous inspirent particulièrement. Je pense que chaque personne a sa propre vision des choses en matière de politique. Nous cherchons seulement à montrer aux gens une histoire ou un aspect des choses qu’ils seraient susceptibles d’avoir déjà rencontrés. Ce que vous voyez ou lisez dans les journaux ne représente pas toujours la réalité, c’est un fait bien connu.

De quoi traite plus spécifiquement le titre « Are You Interested ?» ?
Il semble que ces derniers temps, chaque minute de nos vies soient enregistrées, comme si tout le monde pouvait connaître nos faits et gestes. Toutes ces informations sont mises en mémoire et utilisées. J’espère que certaines de ces « utilisations » ont des motifs légitimes, mais la plupart sont justifiées par de mauvaises raisons. Le morceau aborde justement ce thème : il semble qu’on assiste parfois à une remise en question de notre liberté.

Parlez-nous de « The Town of Lincoln » car les paroles, je cite : « On leur avait dit qu’ils devaient payer pour le crime de penser » semblent bien intrigantes…
En travaillant avec moi sur ce titre, Flynn a eu l’idée de parler d’une « ville type » imaginaire qui aurait suivi sa propre voie sans l’aide de personne. Cette ville avait mis au point son propre système de fonctionnement, et tout se passait très bien. Malgré tout, comme les habitants des alentours n’appréciaient guère la vue de voisins si différents, ils les ont donc ridiculisés puis arrêtés, à cause de leur trop grande « indépendance », d’où ces paroles : « On leur avait dit qu’ils devaient payer pour le crime de penser ». Si l’on regarde un tant soit peu derrière nous, beaucoup d’idées bonnes ou trop différentes ont été perçues comme farfelues avant d’être acceptées.

Sur votre site web, il y a une section « terrier du lapin ». Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs la raison de l’existence de cette sorte de newsletter un peu particulière ?
C’est une section que Lucius a ouverte, et qui donne aux gens l’opportunité d’en savoir plus sur le travail de certains scientifiques, que personnellement nous trouvons enrichissant. Elle est très intéressante et peut vous donner une perspective plus large sur certaines choses que vous ne connaissez pas. Je ne lis pas autant que Lucius, mais nous partageons les mêmes intérêts sur de nombreux sujets.

Des personnes cyniques vous diront qu’un groupe de rock peut difficilement changer l’état du monde d’aujourd’hui. Que répondriez-vous à cela ?
Je ne sais pas vraiment. La musique est une chose très puissante et il a été prouvé dans le passé qu’elle pouvait certes rassembler beaucoup de personnes, mais pas nécessairement en faveur d’une cause commune. De plus, on peut toujours voir deux individus qui ne s’entendent pas mais qui apprécient le même groupe.

Musicalement, pensez-vous que vous avez des relations à la fois avec la musique progressive et l’emocore ?
Je connais un certain nombre de groupes et quel que soit le style abordé – en incluant donc l’emocore – nous sommes face à des musiciens qui font tout simplement ce qui leur fait plaisir. Je ne nous considère pas comme appartenant à l’emocore, mais ce genre est en fin de compte une autre branche de l’arbre dont nous sommes nous aussi issus. Je pense que l’on peut toujours apprendre d’un musicien, quel que soit son style musical.

Désormais, votre musique semble plus alternative, voire plus mainstream, en comparaison avec vos précédentes sorties. Est-ce un choix délibéré ?
Non, pas vraiment. Nous avons composé de la même façon que d’habitude. Au fil du temps, certains titres sont devenus courts, d’autres plus longs ou expérimentaux. Nous avons cependant décidé de nous concentrer un peu plus sur le contenu des paroles. Quelques chansons semblent certainement plus accessibles que d’autres et c’est une bonne chose.

Comment expliquez-vous les importantes différences dans la longueur des titres de l’album ?
Nous ne nous donnons pas de limites concernant la longueur des morceaux lors de la composition, ni même après les avoir écrits. Si nous pensons qu’un titre tient la route et qu’il sonne bien, nous allons l’utiliser et lui donner sa chance. Nous sommes toujours fans des influences « atmosphériques », grâce auxquelles on peut explorer plus de rythmes et d’ambiances sans tenir compte de la durée du morceau.

A l’écoute de Sharing Space, il est difficile d’imaginer que vous n’êtes qu’un trio. Y a-t-il des invités qui jouent sur le disque, et avez-vous utilisé des claviers ?
Quelques personnes supplémentaires ont été impliquées dans cet album. Nous avons trouvé une violoniste, Lisa Haley, qui a très bien joué son rôle. Un des ingénieurs du son a par ailleurs utilisé un clavier sur un morceau de façon très encourageante. Ceci dit, nous avons fait tout le reste nous-mêmes sur divers synthétiseurs ou autres instruments. Aucun de nous n’est réellement claviériste, mais nous adorons en jouer.

Comment les deux chanteurs partagent-ils « l’espace vocal » dans les compositions ?
Il y en a en réalité trois, nous chantons tous à différents endroits tout au long de l’album. Flynn prend les devants, mais Lucius et moi-même exercons des réponses et d’autres interventions dans la plupart des titres.

A propos de Sylvia Massy (qui a entre autres produit Tool), qu’a-t-elle apporté à votre son ? La garderez-vous pour le troisième album ?
Pour ce qui est du son, je pense qu’elle a une très bonne oreille et qu’elle connaît très bien son matériel. Elle aime être là dès les premières prises de batterie au début de l’enregistrement, et pour cet album elle est arrivée quand nous en étions encore au stade de composition. Nous avons vu après ce projet d’enregistrement que les choses ne se passaient pas comme on l’avait espéré sur certains points, et nous avons à peine vu Sylvia lors des trois mois qu’a duré le processus d’enregistrement, ce que je n’avais pas prévu. Je pense que nous allons chercher de nouvelles personnes pour notre prochain album, peut-être ici en Australie.

Pouvez-vous nous expliquer ce que signifie la pochette, dont le sens n’est pas non plus évident à saisir ?
C’est simplement la partie d’une œuvre que nous avons trouvée d’un artiste appelé Grant Bernhardt, de Seattle. Nous l’avons adorée et nous avons fait les démarches pour nous l’approprions comme pochette, mais aussi pour d’autres sorties. C’est très bon visuellement.

Comment avez-vous rejoint le label Superball ?
Après avoir parlé et rencontré les personnes du label, nous avons commencé à travailler ensemble. Qui sait ce que le futur nous réserve ?

Un mot sur vos compagnons de label, Oceansize…
J’ai déjà écouté ce groupe et j’aimerais en découvrir un peu plus avant de me forger une opinion, mais d’après ce que j’ai entendu c’est très bon, et pile dans mes cordes.

Vos deux premiers EP et votre premier album The New Normal vont-ils être réédités pour une sortie européenne ?
Espérons-le, j’aimerais qu’ils sortent en Europe, ainsi tout le monde pourra y accéder s’il le souhaite. Je pense que si Sharing Space marche bien, cela peut faire avancer les choses.

La scène rock australienne reste encore un peu brumeuse. Avez-vous des groupes à recommander ?
Il y a deux groupes australiens, Mammal et Trial Kennedy qui, je pense, font de bonnes choses ainsi que deux bonnes formations néo-zélandaises, Kora et Jakob. Ce serait bien de voir plus de groupes australiens franchir les mers .

Quand vous jouez sur scène, restez-vous en trio ou faites-vous appel à d’autres musiciens pour compléter la formation, comme un second guitariste ? Y a-t-il une place pour l’improvisation dans vos concerts ?
Notre formule live a beaucoup évolué depuis nos débuts, et on ajoute constamment de nouveaux éléments pour améliorer l’ensemble. Jouer nos compositions à trois est un autre challenge que l’on doit réussir afin de pouvoir penser aux concerts. Il y a tant de choses dans certaines parties qu’il serait humainement impossible de les recréer sans un séquenceur ou un sampleur. Certaines chansons font intervenir des passages enregistrés, et d’autres restent entièrement live, plus ouvertes ainsi à l’improvisation. Le meilleur de deux mondes en somme.

Une tournée européenne est-elle prévue et si oui, la France en fait-elle partie ?
Rien n’est véritablement décidé pour le moment mais nous allons évidemment essayer d’aller en Europe pour promouvoir l’album et jouer au maximum dans le plus de pays possibles, dont la France. Il nous tarde vraiment de jouer devant un tout nouveau public.

Pour finir, quels sont vos projets pour la fin de 2008 et 2009 ?
Avec un peu de chance, jouer dans certains festivals, rencontrer de nouvelles têtes et passer de bons moments. Que vouloir de plus !?

Propos recueillis par Jérémy Bernadou
avec des questions de Djul

site web : http://www.cog.com.au

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