Camisetas - Camisetas

Sorti le: 19/05/2008

Par Jean-Philippe Haas

Label: Chief Inspector

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C’est lorsqu’un disque comme celui-ci vous tombe entre les tympans que vous réalisez la vanité des étiquettes. Pourtant, à première vue, c’est de jazz dont il s’agit. En effet, la Sainte Trinité guitare / basse / batterie côtoie un cornet, un bugle, divers claviers… Mais voilà, à l’instar de son label Chief Inspector, Camisetas n’a pas l’intention une seule seconde de se cantonner à des figures imposées et ne respecte pas davantage un quelconque format ou une contrainte prédéfinie. Doses massives de bruitages électroniques, lignes vocales débridées, mélanges décomplexés de passages structurés et de digressions bruitistes, telles sont quelques-unes des caractéristiques de cet album déroutant, enregistré au théâtre Pôle Sud à Strasbourg.

En somme, Camisetas se tient irrespectueusement à distance des conventions. Dès « House of the Sleeping Dwarfs », on bascule dans une fusion jazz-rock industrielle inédite. De même, les escapades bruitistes que sont « La Shoe de Sue » ou « Pneu lisse », n’acceptent que tardivement et souvent à contrecœur de revenir sur des chemins vaguement plus balisés. La mélodie n’est quant à elle qu’une préoccupation secondaire du quatuor (« Sheep, Sheep, Sheep », « No Radio ») et les compositions, parfois improvisées, s’apparentent le plus souvent à un happening sonore (« Mime Marcel », « Pneu lisse », « Si fait ‘ico ? ») dont la vocation est de susciter des images mentales, établissant ainsi un lien de parenté avec le travail d’Art Zoyd.

Mais cet aspect visuel très prononcé doit également beaucoup aux vocalises fantaisistes et autres hurlements synthétiques du fantasque trompettiste Médéric Collignon. Son organe élastique introduit une rafraîchissante note d’humour à des titres qui parfois frisent l’hermétisme. Dans « Baeckeoffe », n’exprime-t-il pas les plaisirs et les borborygmes que provoquent la dégustation de cette copieuse spécialité alsacienne ? Il est raisonnablement permis de le penser. Et que dire de « Meinau », qui tourne très vite à la « pattonnerie », évoquant très distinctement – ou peut-être pas – la frénésie qui peut agiter le stade-chaudron ?

Ne le cachons pas, seules des oreilles aguerries parviendront à s’ouvrir d’un seul trait à cet album. Néanmoins, si ses lacets se négocient parfois difficilement, de nombreuses et réjouissantes surprises attendent très souvent le téméraire à la sortie d’un virage serré.