Nemezis - Nemezis

Sorti le: 13/05/2008

Par Christophe Gigon

Label: Lynx Music

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Que ceux que le rock néo-progressif de facture classique rebute passent d’emblée leur chemin. Ici, foin d’expérimentations aventureuses ou de tournures musicales par trop complexes, que de la belle mélodie et que de jolis soli dignes de Steve Rothery (Marillion). Ajoutez à cela des nappes de claviers fort typées (Korg M1, Roland D-50, Yamaha DX-7 et compagnie) et des arpèges cristallins. Pour parachever cette sensation de quiétude harmonique, le chant est assuré par Karolina Struzycka dont la voix serait proche de celle de Lana Lane. Vous voilà donc prévenus, on entre ici en terrain très connu. On ne vous étonnera guère en vous informant du fait que la nationalité de cette jeune formation est polonaise et qu’elle est signée, elle aussi, chez Lynx Music (Openspace, Millenium, Moonrise et Albion). Les amateurs de Wishing Tree, All about Eve, Lana Lane ou Caamora apprécieront. Les autres ricaneront. A tort. Pour plusieurs raisons. A

Tout d’abord, les compositions sont solides et diablement efficaces. De belles constructions harmoniques qu’on avait un peu perdu de vue depuis les plus belles années de Pendragon (The Window of Life ou The Masquerade Overture). Franchement, l’amateur de rock néo-progressif sera aux anges lorsqu’il écoutera cet album au casque sur la plage cet été avec une légère brise dans les cheveux. Chaque intervention du guitariste Marcin Kruczek rappellera à notre bon souvenir les plus belles envolées de Nick Barrett (Pendragon), John Mitchell (Arena) et, naturellement, Steve Rothery. La voix de la chanteuse est absolument magnifique et maîtrisée. Le son est ample et la production, certes typée et datée, est parfaitement de circonstance pour ce style de musique qui obéit (malheureusement) à certains codes (propreté du son, production claire et luxuriante, claviers mis très en avant, voix maniérée et lyrique, tandem basse/batterie un peu en retrait). Dans le genre, Nemezis s’en sort avec les honneurs mais ce n’est bien évidemment pas un groupe comme celui-là qui gagnera à sa cause les nombreux dénigreurs que compte le néo. Et s’il est vrai que l’on peut reprocher à celui-ci une certaine propension à la fixité des structures (entrée calme aux claviers, arrivée de la belle voix, montée en puissance, orgasme guitaristique, poursuite du climax, chute, retour à la douceur, fin émouvante), on ne saurait le priver de ses qualités intrinsèques bien réelles : harmonie, douceur, soli de guitare écrits qui participent de la ligne mélodique, voix peu ordinaire, etc. Et s’il existe bien une école néo-progressive, ce premier album de Nemezis serait une très bonne copie d’un élève qui aurait été fort attentif en classe. Malheureusement, si Nemezis a su retenir le meilleur du genre (Pendragon, Marillion, IQ), il a aussi péché par emphase comme ces lignes de clavier plus proches d’un hard-FM des plus nauséabonds (Magnum, Asia) qui gâchent un peu l’ambiance. On a même droit à notre titre épique de plus de douze minutes « The End », fort bien construit lui aussi. Il n’y a bien que le graphisme de pochette qui a su s’affranchir des canons en vigueur : pas de jolies couleurs, de personnages mystérieux ni de symboles cachés. Il s’agira de veiller au grain et de les sermonner un peu si le second album devait être une redite de celui-ci. Mais pour l’instant, saluons la beauté sans complexe de ce premier essai.

Nemezis n’a probablement pas l’ambition de détrôner Mars Volta ou Porcupine Tree des autels sur lesquels la critique journalistique, habituellement si dure avec le rock progressif, les a placés. Au contraire, il tend les verges pour se faire battre. Mais c’est si bon…