Fish / Marillion

18/01/2008

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Par Jérôme Walczak

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CONCERT : FISH

  Lieu : Fish : La Locomotive/ Marillion : Elysée Montmartre
Date : Fish : 9 décembre 2007/Marillion : 13 décembre 2007
Photos : Jérôme Walczak (avec les moyens du bord)

Deux concerts bien différents avec un regard nostalgique, porté vers le passé et les retrouvailles pour Fish, et un souffle nouveau, une vague, plutôt une déferlante d’énergie du côté de Marillion qui a les pieds bien ancrés dans le présent avec un regard puissamment porté vers le futur. Rendez-vous donc pour une petite confrontation pacifique en dressant un bilan de ces baladins qui resteront, dans nos cœurs, indéfectiblement liés pour le meilleur et le meilleur.

Set-list Fish : Slainte Màth – Circle Line – So Fellini – Square Go – Perception Of Johnny Punter – Manchmal-Hotel Hobbies / Warm Wet Circles / That Time Of The Night – Arc Of The Curve – Dark Star – Sugar Mice – White Russians – Cliché – Incommunicado – The Last Straw

Set-list Marillion: Bridge – Living With the Big Lie-Runaway – Wave / Mad / The Opium Den – Fruit Of The Wild Rose – Out of This World – Real Tears For Sale – Somewhere Else – Season’s End – Hooks In You – Most Toys – The Other Half – Cannibal Surf Babe – This Town – The Rakes Progress – 100 Nights – This Strange Engine – Ocean Cloud – Neverland – Let It Snow

Fish a fait un choix curieux : la potion servie lors de la tournée Return to Childhood avait bien meilleur goût que celle qui fut proposée ici. Choisissant avec raison de commémorer l’anniversaire de l’immense album que fut Clutching at Straws, il eut été bien plus émouvant de nous le proposer d’une traite, nous garantissant ainsi un voyage cohérent, une évasion idéale. Il fut en effet dilué au milieu des dernières productions du poisson écossais avec un choix un peu trop prononcé pour 13th Star (en même temps, c’est son dernier album, ça se comprend…), orientation discutable tant ce disque ne décolle pas et constitue un univers si éloigné de l’immense Clutching…

Peu de refrains, juste de vagues ambiances un peu roots, qui constituaient autant de respirations parfois un peu longuettes entre les chefs d’œuvres absolus que sont « Slainte Màth », « Incommunicado », « White Russian » ou « Warm Wet Circle ». Que ce soit clair, le public ne venait pas applaudir 13th Starmais bien plus recevoir une bonne vague iodée et énergique de nostalgie.
Fish, c’est la fête, l’humour, la joie de se retrouver, la chaleur humaine, le charisme. Le grand animal a dans sa besace des titres si joyeux, si festifs, à l’enthousiasme si communicatif, qu’on en est un peu resté sur sa faim. Oui, on regrette de ne pas avoir entendu encore une fois, une énième fois, (et alors ?) « Credo » avec un public qui n’arrête plus de chanter le refrain, on regrette les gigues fabuleuses d’ « Internal Exile », « Big Wedge », chansons maintes fois entendues sans doute, mais qui auraient servi avec délice cette grande messe nostalgique où étaient venus, la larme à l’œil, de vieux adolescents dans le but de se recueillir.

Le public était là pour ça et l’écrin préparé par l’équipe du grand Ecossais convenait à merveille, de surcroît : La Gazza Ladra (comme au bon vieux temps), un petit film assez drôle retraçant les grands événements de ces vingts dernières années revisités à la sauce Fish (Bill Clinton avoue au congrès qu’il écoutait Marillion en cachette, John Major démissionne parce qu’il n’a pas supporté que Marillion se sépare, les Berlinois brisent le mur apprenant que le nouvel album de Fish, Vigil in a Wilderness of Mirror, est enfin disponible à l’Ouest…), une petite version de « Sgt Pepper Lonely Heart », et tandis que tout s’emballe, l’immense Fish entonne les premières mesures de « Slainte Màth », un des morceaux les plus puissants de Marillion. Tout est en place pour qu’un voyage magique commence, et fort heureusement, le charisme indestructible du bonhomme a pu pallier les carences de la set-list

Fish n’a aucunement perdu sa voix, il vieillit et vieillit bien. Des titres comme « White Russian » ou « Sugar Mice » n’ont pas perdu une seule seconde de leur intensité émotionnelle. Ce spectacle était un concert de vétérans, de mauvais garçons venus s’amuser en famille, devant une famille et les moments de complicité, d’humour n’ont jamais une seule fois fait défaut : Fish et sa bouteille d’eau, son « Fucking Microphone » qui ne fonctionnait pas, Fish enveloppé dans son drapeau écossais, Fish et ses mouvements de jambes, ses déhanchés. Le voyage dans le temps fut parfaitement réussi, simplement, encore une fois, légèrement obscurci par une set-list inégale. Rendez-vous pris dans vingt ans, en souhaitant que d’ici là, le génie ait trouvé l’amour, nous revienne de bonne humeur et ne nous dise plus, amer : « This is a Love song, This is for Nobody… ».

Quant à Marillion… Ils revenaient, en plus grande forme que jamais, avec un Steve Hogarth impérial, puissant, et cette fois-ci, les choix des morceaux était la quintessence de ce que le groupe a fait de meilleur depuis vingt ans. Les amateurs de la période pop durent en être pour leurs frais car c’est bel et bien à un concert de rock progressif que le public enthousiaste et nombreux a assisté. Brave dans un début le plus âpre et le plus sombre, « Ocean Cloud », « Neverland », « The Rake’s Progress », « This Strange Engine » : tout ce que Marillion sait faire d’épique, de romantique, de majestueux, était réuni ici. Une mention spéciale à Mark Kelly qui nous a gratifiés de trouvailles assez inédites en restituant des atmosphères oniriques en diable.

Steve Hogarth a livré toute sa puissance, toute sa verve, et il faut bien le dire, toute sa classe : ses costumes, ses regards mutins, ses blagues (lui, plus poli que son auguste prédécesseur, aura eu, pour sa part, maille à partir avec un « Christmas Crackling Microphone… »). Le public était plus nombreux que chez le poisson et la frange la plus mélomane a pu apprécier des chansons qui, mises bout à bout, auront fait sans doute un des meilleurs concerts de Marillion depuis de nombreuses années. Plus d’errements, plus de pop, mais une virtuosité, des développements et une voix somptueuse.

Marillion a gratifié son public d’un petit extrait du 15ème album (« Real tears for Sale »), en remerciant au passage son public pour la souscription. Premières impressions : une réussite totale ! On quitte (enfin…) Somewhere Else pour un morceau long, dansant, celtisant, un refrain certes accrocheur mais encadré par une mélodie bien construite qui donne l’eau à la bouche. De Somewhere Else, Marillion n’aura retenu que le meilleur (manquait « The Wound ») : « Somewhere Else », « Most Toys » et « The Other Half », pas de .Com, de Radiation, un soupçon d’Anoraknophobia… Non, c’est bel et bien au rêve et à la magie que Marillion nous a conviés.

Merci à eux, merci à Fish, de continuer de faire vivre avec passion, avec fougue, avec rage, avec humour, ce qui reste la plus belle musique progressive de ces vingt dernières années. La pie voleuse a encore de belles aventures à nous faire partager !

Jérôme Walczak

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