Yaron Herman Trio

01/12/2007

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Par Mathieu Carré

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CONCERT : YARON HERMAN

  Artiste : Yaron Herman Trio
Lieu : Salle Charles Trenet, Chauvigny
Date : 26 octobre 2007
Photos : Hélène Collon

Rarement nouveau venu dans le monde fermé du jazz aura été autant acclamé que Yaron Herman, jeune pianiste surdoué aux faux airs de Christophe Willem, qui fait l’unanimité avec son dernier disque A time For Everything enregistré en trio. Maintenant pris dans une tournée qui l’emmènera aux quatre coins du monde, il était plus que temps de vérifier en direct toutes les promesses entendues sur album.

Les louanges reçues par Yaron Herman n’ont cependant pas vraiment atteint les oreilles du public de la Vienne. La salle de spectacle Charles Trenet de Chauvigny, certes un peu éloignée de Poitiers, peine à se remplir. Quelques connaisseurs, quelques subventionnés du conseil général et peu de curieux : la musique live, malgré les déclarations d’ouverture et de métissage venant de toutes parts reste un marché très segmentant. Ce sera donc un public réduit et averti qui profitera de la prestation du trio. Il sera d’autant plus comblé que l’acoustique de la salle se révèle excellente et que les instruments trouvent leur place comme par enchantement au creux des oreilles de chacun : même quand Yaron Herman joue d’un xylophone pour enfants déposé au-dessus du clavier de son piano, on profite de chaque note de celui-ci.

En arrivant nonchalamment sur scène, Yaron Herman, Matt Brewer et Tommy Crane jurent un peu dans le décor, ils paraissent aussi décontractés, que ce soit dans l’attitude ou le choix vestimentaire (voire dans la coiffure en ce qui concerne Tommy Crane qui donne l’impression d’être tombé de son lit) que leur public du soir est sérieux et apprêté. Sans se perdre en présentations, les trois musiciens débutent, lancés par un courageux solo inaugural de Matt Brewer, sur l’agréable thème de « Paluski », composition originale d’Herman. Les deux longs premiers morceaux exposent toutes les qualités de ce trio qui joue véritablement ensemble. Jamais un des trois musiciens ne tente de s’élever seul ou d’en faire trop au détriment des autres, tout reste incroyablement cohérent, dans les moments calmes comme dans les montées inéluctables qui n’en finissent plus de gagner en intensité. Accessible sans perdre de sa spécificité, ce jazz très mélodique fait mouche, emporté par cette intensité et torturé par toutes les notes qui se bousculent pour passer dans ses phalanges, Yaron Herman oublie souvent son tabouret, se dresse, se courbe, attaque ou bien subit son instrument faisant de ce concert un spectacle autant visuel qu’auditif.

Ce n’est qu’après plus d’une demi-heure de musique que Yaron Herman prend enfin la parole dans un si charmant français à peine hésitant. Le prochain morceau sera dédié à quelqu’un qui compte beaucoup pour chacun de nous, partout dans le monde, l’heure est grave, on imagine déjà l’hymne dégoulinant à toutes les mamans du monde… Mais non, car c’est bien de Britney Spears qu’il s’agit ! « Toxic », magistrale relecture de l’univers de l’ex-chauve la plus médiatique du moment inaugure une série de morceaux plus directs encore tel « Message in a Bottle » pour clore de façon encore plus enjouée ce concert. Enfin clore, c’est surtout l’éclairagiste qui devait le songer puisqu’à peine le premier rappel terminé, les lumières aveuglantes envahissent la salle alors même que le public applaudit encore. Déception dans l’assistance jusqu’au moment ou Yaron Herman et son look d’étudiant revient pour annoncer qu’ils avaient encore l’intention de jouer un peu, pour le plus grand bonheur de tous. Ce sera donc la stupéfiante adaptation de « Army of Me » de Björk qui conclura la prestation du trio en apothéose, Herman fouillant dans son piano pour sortir les quelques notes étranges d’introduction, et ses acolytes plus que jamais au diapason pleins d’entrain et de groove irrésistible. Nullement atteints par le public clairsemé de ce concert, c’est avec un grand sourire que les trois musiciens viendront dédicacer leur dernier album (qui se vendit comme des petits pains) et échanger quelques mots avec leurs admirateurs, dont votre serviteur qui se verra presque rougir lorsque Yaron Herman lui confiera que la chronique de « A Time for Everything » parue dans les lignes de Progressia était celle de quelqu’un qui avait tout compris à sa musique. Une bien belle soirée définitivement !

A l’heure où on commence à le comparer aux plus grands pianistes de jazz, il est vraiment rafraîchissant de voir à quel point Yaron Herman garde toute sa simplicité et sa spontanéité. Accessible et drôle, alors que Keith Jarrett fait un caca nerveux à chaque flash lors d’un concert ou à la moindre odeur de graillon qui viendrait lui titiller les narines, ce jeune homme de 26 ans nous redonne espoir dans le jazz, musique ouverte à tous et loin d’être l’apanage d’une élite autoproclamée.

Mathieu Carré

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