Estradasphere - Palace of Mirrors

Sorti le: 20/11/2007

Par Jean-Philippe Haas

Label: The End Records

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Plus que quiconque, l’amateur de musiques progressives est soumis aux affres de l’étiquetage. Et pourtant, ce n’est pas faute de s’être créé une pléthore de catégories plus ou moins précises, de termes plus ou moins judicieux, pour tenter de mettre de l’ordre dans un genre qui, par définition, défie les étiquettes. Estradasphere fait typiquement partie de ces groupes inclassables qu’il est impossible de ranger dans une case bien définie et ce, depuis leur premier et impressionnant album It’s Understood (2000).

En un peu moins d’une heure, Palace of Mirrors nous promène dans univers sonore qui emprunte au jazz, à la musique de chambre, de film, au rock, au metal et à divers folklores, tsigane en tête. Pour autant, il ne s’agit pas là d’une collection de titres expérimentaux, pas plus qu’un assemblage incongru et gratuit de genres destinés à impressionner. Là où d’autres se perdent en des combinaisons pas toujours très heureuses, notre sextet de multi-instrumentistes californiens garde à l’esprit la nécessaire dynamique de ses compositions, de même qu’un indispensable noyau mélodique. Estradasphere passe avec une redoutable facilité d’un style à l’autre, mêlant souvent ses multiples influences au sein d’un seul et même titre comme sur « A Corporate Merger », « Those Who Know… » ou encore « Smuggled Mutation », qui incorporent la dynamique du rock, du metal ou le phrasé du jazz à un violon purement tsigane. Les illustrations de l’audace d’Estradasphere ne manquent pas et ces incessants rebondissements rendent l’écoute de Palace of Mirrors proprement passionnante. Si l’on ne peut décidément forcer ce disque à entrer dans un tiroir, on pourra néanmoins lui trouver quelques parents éloignés, et notamment dans l’arbre généalogique de la famille RIO. On retrouve également sur Palace of Mirrors l’esprit corrupteur de Fantômas avec « Colossal Risk », par exemple, véritable bande originale de film d’espionnage des années soixante, ou encore « Flower Garden of an Evil Man », à l’inquiétante et bruyante progression, sur lequel il ne manque que les gémissements de Mike Patton.

Si Palace of Mirrors pourra déstabiliser les maniaques de la catégorisation par son côté patchwork, il aura bien plus de chance d’enchanter la plupart des courageux qui oseront sortir de leur routine musicale. Avec un album peut-être plus homogène que les précédents, Estradasphere réussit la performance de conjuguer simultanément audace et accessibilité. Et pour les indécrottables qui ne voient en ce genre d’albums que des projets studio farfelus, on conseillera le DVD Palace of Mirrors Live, interprétation en concert du disque idoine.