Rush

04/11/2007

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Par Dan Tordjman

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CONCERT : RUSH

  Lieu : Londres, Wembley Arena
Date : 10 Octobre 2007
Photos : Tony Riviere pour ProgArchives.com

Ça ne pouvait plus durer. Il fallait mettre un terme à cette malédiction, ce sort qui a fait que longtemps Progressia n’a jamais pu couvrir un concert de Rush. Ed Platt d’Enchant avait certes relaté dans ces mêmes colonnes sa vision de celui de San Francisco. Aujourd’hui le sort est conjuré : c’est à Londres que nous nous sommes rendus pour vous relater la prestation des Canadiens. Ceci pour votre plus grand plaisir, mais d’abord et surtout, pour le notre. Oui, parce que Progressia, c’est avant tout des fans qui partagent avec des fans. A scène exceptionnelle, reportage exceptionnel ; c’est donc, pour une fois, à travers les yeux d’un fan que vous allez vivre ce concert.

Set-list : Premier set : Limelight – Digital Man – Entre Nous – Mission – Freewill – The Main Monkey Business – The Larger Bowl – Secret Touch – Circumstances – Between The Wheels – Dreamline – Deuxième set : Far Cry – Working Them Angels – Armor And Sword – Spindrift – Where The Wind Blows – Subdivisions – Natural Science – Witch Hunt – Malignant Narcissism – The Rhythm Method 2007 – The Spirit Of Radio – Tom Sawyer – Rappel : One Little Victory – A Passage To Bangkok – YYZ

Première Partie : Il convient de vous avouer que cette escapade en Albion n’était initialement pas au programme. Mais la vie est ainsi faite – de changements – et l’occasion était trop belle pour pouvoir manquer nos Canadiens préférés. C’est donc sous une pluie battante mais so british que votre serviteur arrive en milieu de journée à Londres. Un rapide crochet à l’hôtel, un pèlerinage à la demeure de feu-Freddie Mercury (dédicace à notre ancien rédac’chef Florian Gonfreville) et direction Wembley. Dix minutes de métro et me voici arrivé. L’Arena juxtapose le somptueux et majestueux Stadium, théâtre de nombreux concerts mémorables comme ceux de Queen, Aeromsmith, Tina Turner et bien d’autres encore… quinze heures trente, il est tôt, mais des spectateurs sont déjà présents, des présentations sont vite faites et l’on discute entre fans… Ils sont venus, pour certains, de loin, très loin… Certains de Grèce, d’autres du Brésil voire du Venezuela. Peu de groupes peuvent se targuer de pouvoir fédérer autant de fans à travers le monde. Au fil des discussions, on tend l’oreille pour profiter de la balance et l’on reconnaît ainsi les claviers de « Subdivisions » première source de frissons et d’excitation ! Et surprise, le hall d’entrée de la Wembley Arena s’ouvre à seize heures en raison d’une pluie de plus en plus insistante. Premier réflexe, direction la boutique : et là, votre humble serviteur s’est littéralement lâché. Bilan des dégâts : un programme, deux T-shirts, une casquette, une chemise baseball, un porte-clés, un jeu de pin’s, sans compter la totalité des programmes compilés dans un magnifique livre conçu par l’inévitable Hugh Syme, ce qui nous fait au total près de deux cents livres cédées. Après tout, on ne vit qu’une fois et rien ne dit que Progressia pourra à nouveau vous faire un récit des tribulations des Trois Stooges : autant se faire Plaisir, donc, avec un « P » majuscule. Un bon café pour patienter et, à dix-huit heures trente, les portes donnant sur la salle s’ouvrent enfin. Je m’installe à ma place, pile dans l’axe, quelques rangs derrière l’ingénieur du son. Il me reste une heure à patienter pendant laquelle Geddy Lee, Alex Lifeson et Neil Peart terminent probablement leur sacro-sainte soupe (NDDan : L’allusion à la soupe vient du DVD Rush In Rio ) .

Devant l’entrée de la salle se font des connaissances et des rencontres, sur fond de Pink Floyd, Led Zeppelin, The Who et … Porcupine Tree (dédicace à Djul et Rémy Turpault). Il paraît que ce CD est compilé par un certain Neil P. Décidément, nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec ces lascars. Au fur et à mesure que la salle se garnit, il est surprenant de voir la diversité du public : Robert vient avec Audrey sa fille âgée de 16 ans et visiblement tout aussi passionnée que le père (ça nous change de ces adolescentes fans de Tokio Hotel). Avec mon voisin, nous jetons un œil sur nos emplettes respectives en ayant la même idée : cette soirée risque de rester gravée dans nos mémoires. Et puis le temps passe et repasse jusqu’à arriver à dix-neuf heures quarante-cinq, l’heure fatidique, celle mentionnée sur mon billet : celle du Showtime !

Deuxième Partie : Toute l’Arena est maintenant plongée dans le noir au moment où les 3 écrans géants (vraiment géants !) s’illuminent. Une animation autour du graphisme de Snakes And Arrows débute avant de voir Alex Lifeson en sueur dans son lit, visiblement hanté par un cauchemard dans lequel il est question de … serpents. Surprenant, Lerxst partage son lit avec un Neil Peart également traumatisé par le même songe, si ce n’est plus, vu qu’il est équipé de ses baguettes pour faire face à Satan. Quant à Geddy Lee, il est réveillé par un jumeau dont l’accent irlandais fait se plier de rire l’auditoire de la Wembley Arena. Dès lors, le récital peut (enfin) commencer.

Quel autre titre que « Limelight » pouvait le mieux ouvrir les amicalités ? « Tom Sawyer » ? Nous y reviendrons plus tard. Votre serviteur tient à vous dire qu’il tenait à découvrir sur le moment la set list proposée ce soir : il est ainsi resté insensible à toute tentative de « corruption » sur le sujet. Nos espoirs se confirment : le trio est visiblement dans une forme olympique, de même que son équipe technique ; le son est d’une pureté quasi absolue. Sont-ce là les effets de la fameuse soupe ? Quoi qu’il en soit, les yeux sont rivés tour à tour sur Geddy Lee, Alex Lifeson et Neil Peart, avec le même sourire aux lèvres, je me régale avec mes jumelles. On va donc de surprises en surprises : outre l’enchaînement sur « Digital Man » extrait de Signals et « Entre Nous » que le groupe n’a pas joué depuis des siècles, j’aperçois trois rôtisseries derrière Geddy Lee. Wembley est hilare à la vue de ces machines. Les titres sortis du grenier continuent de pleuvoir et Rush part en « Mission » pour dépoussiérer ainsi Hold Your Fire. Suit un nouveau coup de massue nommé « Freewill », qui fait place ensuite à deux titres du dernier album. « The Main Monkey Business » instrumental transcendant qui provoque de nouvelles crises de rire du public, lorsqu’un chef coiffé d’une toque monte sur scène, passe derrière Geddy Lee pour vérifier si la cuisson suit bien son cours. Mais où vont-ils chercher tout ça ? Sur les tournées Vapor Trails et R30 on pouvait voir des sèche-linge. Quid de la prochaine tournée ? Un prof de gym ? Des masseuses ? Un By-Tor courant après The Snow-Dog ? Wait and see, so they say. « The Larger Bowl » poursuit le chapitre Snakes And Arrows avec succès. Alex Lifeson y est impérial et d’une classe rare, tout de noir vêtu. « Secret Touch » ouvre le paragraphe Vapor Trails dans une version assez heavy qui n’en est pas moins impressionnante, une vraie baffe administrée avec finesse et subtilité. Pendant ce temps, les rôtisseries continuent de tourner…

Retour à la section « vieilleries » avec, tiré d’Hemispheres, « Circumstances » ce titre qui, pour nous Français, a une saveur particulière, avec son refrain dans la langue de Molière. Une légère déviation teintée de claviers pour s’arrêter sur Grace Under Pressure dont est extrait « Between The Wheels » avant de clore ce premier set avec un « Dreamline » qui file à 200 mp/h (on est en Angleterre, pas question de km/h !) et pendant ce temps, les rôtisseries continuent encore et toujours de tourner…

Troisième Partie : Après une énième soupe et quelques morceaux de poulet tout juste sortis de la rôtisserie, Rush revient pour nous balancer pas moins de cinq titres de Snakes And Arrows. On retiendra « Far Cry » pour son rythme, ainsi qu’un limpide « Working Them Angels » à faire pleurer le plus dur des metalleux. Longtemps peu emballé par « Armor And Sword » sur le disque, mon avis est tout autre face à cette version live. Il en est de même pour « Spindrift » et « Where The Wind Blows » qui prennent bien plus de relief sur scène que sur album. Mais quand Geddy Lee prend place derrière ses claviers pour les premières mesures de « Subdivisions » c’est une certaine transe qui s’empare du public : on chante, on saute, on tape des mains. Le clou est légèrement rentré avec une version mammouth de « Natural Science » que beaucoup espéraient, à l’inverse de « Witch Hunt », agréable surprise en soi. Vient ensuite la partie instrumentale avec le remuant « Malignant Narcissism », suivi du moment que beaucoup attendaient : le cours de batterie du professeur Neil E. Peart. Mélangeant batterie électronique et acoustique, Neil Peart prouve encore que son imagination n’est pas si flétrie. Au contraire, à l’image du vin, elle se bonifie avec l’age. Moment fort de ce solo fort apprécié : un hommage goûteux à Buddy Rich sur fond de dessins animés de Tex Avery et de vidéos de batteurs de jazz, de swing… Pendant ce temps, inexorablement, les rôtisseries ne cessent de tourner… Il faudrait penser à les éteindre : à ce rythme les pauvres poulets vont finir carbonisés.

Si le clou était légèrement rentré sur « Natural Science », il est définitivement enfoncé à l’entame de « The Spirit Of Radio » ; le titre fédère toute l’Arena et est repris en chœur dans toutes les travées de la salle. Une nouvelle fois, elle est plongée dans le noir pour un extrait de South Park, le dessin animé mythique (dédicace à Rémy Turpault et Julien Damotte, grands fans devant l’Eternel) où l’on voit Stan (guitare), Kyle (basse), Kenny (batterie) et Cartman (chant, claviers et perruque) reprendre « Tom Sawyer », sauf que Cartman en raciste notoire, change les paroles d’origine pour les arranger à sa sauce et dire «&nbp;A modern warrior, today’s Tom Sawyer. He floated down a river on a raft with a black guy ! ». Morts de rire, nous sommes, sauf Kyle qui demande au gros lard où il a trouvé ces paroles. Ce à quoi Cartman répond qu’il a lu le livre. En fait, il s’est trompé avec Huckleberry Finn. Qu’à cela ne tienne, le trio, le vrai, cette fois-ci corrige l’erreur de fort belle manière avant de s’éclipser cinq minutes pour une dernière assiette de soupe, probablement. Visiblement, Geddy Lee a oublié d’éteindre les rôtisseries en quittant la scène. Que restera-t-il de ces pauvres volailles ? Pas grand-chose visiblement…

En tout cas, à cinquante-cinq ans, après plus de trente ans de carrière et plus de trois heures de spectacle, Neil Peart, lui, a encore de l’énergie à revendre. Témoin, ce tellurique « One Little Victory » qui met une grosse claque à l’Arena. Puis, Rush nous transporte à Bangkok pour quelques minutes d’exotisme, avant de nous planter la dernière banderille. Et quelle banderille ! Son nom tient en trois lettres, quelques coups en langage morse pour dire « YYZ ». C’est ce qu’on appelle une mise à genoux de premier choix, digne des grands. Là, le clou a explosé ! Enchanté, le public quitte l’Arena avec le sourire aux lèvres. Moi le premier, chargé comme une mule avec mes souvenirs du concert. Et, une fois arrivé à la station de métro, je me suis soudainement assailli par une question : ont-ils finalement éteint les rôtisseries ? En tout cas, si c’était à refaire, votre serviteur signe tout de suite !

Dan Tordjman

site web : http://www.rush.com

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