Coxhill / Miller - Miller/Coxhill - Story So Far

Sorti le: 20/10/2007

Par Mathieu Carré

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

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Si les noms de Steve Miller et de Lol Coxhill n’évoquent que peu de souvenirs, celui de la bonne vieille cité de Canterbury les remplacera pour permettre d’évaluer l’intérêt de cette réédition pharaonique d’une partie de l’œuvre des deux hommes. Illustrant parfaitement la notion de « groupe » assez relative à cette époque et dans cette région, Lol Coxhill (saxophoniste alto qui se ralliera plus ensuite au jazz libre) et Steve Miller (pianiste et frère de Phil, guitariste également ubiquitaire de Hatfield and The North) s’aperçoivent au sein de nombreuses aventures mais prendront aussi le temps d’enregistrer ensemble deux disques atypiques sur lesquels de nombreux acolytes se succèdent à leurs côtés: Miller/Coxhill – Coxhill/Miller et The Story So Far… / …Oh Really ? en 1973 et 1974. Méconnus, ces deux albums se voient ici réédités, accompagnés de nombreux titres additionnels, par Cuneiform Records, label toujours ambitieux et ici particulièrement généreux puisque pas moins de deux heures trente de musique se retrouvent ainsi tassées sur deux CD’s.

Sur les deux enregistrements d’origine, Coxhill et Miller se partagent le travail de composition. Si on s’attend, en présence d’une compilation si hétéroclite à passer d’une ambiance à l’autre au gré des époques, il est plus étonnant de constater comment cette diversité s’exprimait même au sein d’un même disque. Quand Miller/Coxhill débute intimiste, intense et par instants sublime grâce à la sonorité du saxophone « violonisant » de Coxhill lors du duo inaugural « Chocolate Field », son pendant immédiat Coxhill/Miller tranche dans le vif, fait dans le libertaire (saxophone, sur fond de moteurs et d’enfants jouant…) et ramène vers l’univers musical azimuté d’un Keith Tippett. Jouant sur la même dualité, The Story So Far… part vers le jazz-rock, fait la part belle à la section rythmique et aux claviers Rhodes et Wurlitzer de Miller pour laisser ensuite place à l’humour de Coxhill (« Tuberculars Balls », quel titre ! ou « Soprano Derivation / Apricot Jam ») et ses sonorités rappelant souvent John Surman.

Ajoutez à cela des extraits de concert de Steve Miller, une improvisation de vingt-trois minutes et surtout trois titres enthousiasmants de Delivery, éphémère formation où l’on retrouve Pip Pyle, Roy Babbington et Richard Sinclair aux côtés des deux amis, et on aura un aperçu du festin gargantuesque proposé. Ceux qui choisiront d’engloutir le tout sans pause se feront rares et aussi un peu inconscients quand les épicuriens piocheront eux avec plaisir et parcimonie dans cette imposante caverne d’Ali Baba. Les amateurs de jeu des sept familles musicales pourront s’amuser à savoir qui (et quand) jouait avec qui (et où) en dépouillant le très détaillé livret, ils y trouveront tous les noms de l’époque. Cependant la valeur de ce double album ne réside pas dans cette énumération glorieuse, ni dans sa qualité pourtant supérieure mais surtout par le fait qu’il incarne l’âme du mouvement Canterbury, miracle passager témoignant moins d’un hypothétique univers musical commun que de valeurs partagées d’humanisme et d’innovation collective.