Real - 02.12.2006

Sorti le: 29/06/2007

Par Jean-Daniel Kleisl

Label: Autoproduction

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Etonnant ! Vraiment étonnant ! Alors que la Suisse romande est envahie par une horde de groupes expérimentaux à tendance post rock (et l’on ne parle même pas des groupes de (post)hardcore) – Dawn faisant figure jusqu’alors d’exception – voici un groupe de jeunes lausannois, étudiants pour la plupart, qui se croient revenus en 1972, à l’âge d’or du progressif ! Real, c’est le nom du groupe, a été formé aux alentours de 2005 – la légende n’est pas très précise à ce sujet – avec le but de… faire de la musique. Mais laquelle ?

Réponse avec 02.12.06, premier album autoproduit du groupe, dont le titre indique simplement la date de l’enregistrement, fait en live (mais on n’y entend pas le public) dans les anciennes prisons d’un bled paumé du canton de Vaud, Moudon. Tout un programme, d’autant plus impressionnant lorsqu’on sait qu’il s’agissait d’un des premiers concerts du groupe (le quatrième semble-t-il, mais là encore la légende est floue). Autant dire qu’il faut être très sûr de son coup, pour se permettre de sortir un album live après si peu de concerts ! Et les bougres y sont parvenus, avec un brio certain !
Oh, certes, tout n’est pas parfait ! Les voix sont parfois hésitantes, la guitare est sous-mixée comparativement à la section rythmique, les sons des synthés manquent quelque peu d’originalité, et sur certains passages, le groupe s’est laissé aller à quelques facilités, voire à des parties ratées, comme le final de « The Incredible Tree Story of Bary », malgré le clin d’œil humoristique à « Stairway to Heaven ». Mais il y a chez Real ce « truc » qui accroche dès le premier accord, c’est à la fois très clair et imperceptible. Clair, parce que le groupe a évidemment construit ses morceaux de manière à plaire à tout amoureux du progressif à la Genesis version années 1970 (constructions à tiroir, emphase dans les vocaux, etc.). Imperceptible, car il y a une originalité certaine et surtout une belle personnalité ! On pourrait citer toute une ribambelle d’influences, de Genesis à Gentle Giant (pour certaines parties vocales) en passant par le jazz-rock, mais le tout est si bien digéré qu’il n’en ressort qu’un : Real !
S’il fallait vraiment citer un groupe, finalement, ce serait peut-être bien Änglagård, sans doute justement parce que les mythiques Suédois ont su digérer de multiples influences sans se départir d’une forte personnalité. En témoignent les parties instrumentales de « The Incredible Tree Story of Bary », les suites d’accords de « Opera », les passages absolument géniaux au piano, une section rythmique organique et inventive, et une guitare qui rappelle effectivement Tord Lindman. Evidemment, le propos de Real est plus joyeux (quoique…) que celui des Suédois et plus orienté vers le jazz. Ceci dit, commencer un morceau par une salsa pour le terminer avec des accords à la « Jordrök », c’est pour le moins étonnant !

Bref, voilà une bien belle réussite pour un groupe qui n’a eu pour prétention que de présenter, sans fioriture et dans l’exercice particulièrement difficile du live, un premier album très recommandable, malgré les défauts de jeunesse évidents. La suite semble prometteuse, ceci d’autant plus que Real affiche sa volonté d’intégrer des éléments théâtraux à sa musique. On vous annonce aussi, pour terminer cette chronique écrite avec plaisir, que le groupe, accompagné par un chœur, va reprendre « Atom Heart Mother » à la fin de l’année !