Far Corner - Endangered

Sorti le: 24/06/2007

Par Christophe Manhès

Label: Cuneiform Records / Orkhestra

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Quand on fait partie d’une écurie telle que celle du label Cuneiform, on attend forcément beaucoup de vous. Mais, chance, vous avez instantanément des d’oreilles attentives et aiguisées pour apprécier votre musique, le plus souvent située dans une sphère musicale pointue mais néanmoins accessible. Au regard de ces dispositions, si le premier album éponyme de Far Corner avait intrigué, finalement, on a pu le juger laborieux et bavard ou même trop économe avec l’imagination, défaut que sa longueur excessive ne pouvait que rendre plus difficile encore à accepter. C’est donc sans avoir été convaincu par cette première tentative qu’Endangered s’est fait attendre pendant trois années. Le groupe ayant de grandes ambitions dans l’écriture, allait-il se débarrasser de ses défauts pour proposer quelque chose de mieux maîtrisé et de plus aventureux ?…

Far Corner joue une musique difficile à définir. À tel point que l’on peut se demander sur quelle base elle repose. Est-ce un groupe de Rock in Opposition qui jouerait du prog symphonique ou est-ce un groupe de prog symphonique qui jouerait du Rock in Opposition ? Ça a l’air un peu lourdaud dit comme ça, pourtant, c’est dans ce nœud que se trouve une partie du problème que pose cette formation.

Pour un groupe qui serait apparenté Rock in Opposition, Far Corner manque franchement d’originalité et n’a pas la vigueur artistique nécessaire. On est donc loin des créations d’Univers Zero, Miriodor, Present ou, plus récemment, d’un Yugen si l’on veut prendre une référence plus modeste. Puis, disons-le, leur musique ne s’oppose franchement à rien ou alors, et c’est un comble, de manière très conventionnel, ce qu’un titre comme « Claws » illustre parfaitement.

De plus, pour un groupe qui serait identifié comme jouant du rock progressif symphonique, Far Corner ne possède pas en quantité suffisante de ce souffle épique et romantique qui fait les bons groupes du genre. Il suffit d’écouter le retour en fanfare, en 2004, de leurs collègues Américains de Happy The Man, symphonistes pur jus, avec l’excellent The Muse Awakens pour prendre la mesure du manque de largeur d’horizon de Far Corner. Puis, comme trop souvent chez les « claviers héros », le son de l’instrument de prédilection de Dan Maske s’exerce sur une gamme relativement étroite et pas toujours du meilleur goût. Heureusement que le piano lui, toujours royal, vient de temps en temps réchauffer un peu le tout.

Plus problématique encore, plus impardonnable aussi, Far Corner peine à faire passer de l’émotion à travers ses compositions. Cette impression désagréable et tenace est largement renforcée par les parties de batteries essentiellement programmées et le jeu presque mécanique de Dan Maske. A travers la densité des breaks et le bagou des claviers, les sentiments n’ont que peu de place. De ce point de vue, « Endangered », le titre-phare de l’album, est éloquent : s’y s’enchaînent de longues tergiversations vaines et climax émasculés incapables de faire décoller cette longue pièce de près de vingt minutes.

Endangered n’est pas un mauvais disque. Virtuose et hâbleur, pas trop simpliste mais pas trop complexe non plus, certains y trouveront leur compte. Mais, comme disait un musicien un peu pédant et pas dénué de bon sens, « la musique est affaire de feu et de vent, de possession et d’envoûtement, de saisissement et d’emports ». Ce serait bien que Far Corner médite là-dessus.